Peu de gens le savent mais le grand musicien de malouf, Hassan El Annabi est né à El Kseur, dans wilaya de Béjaïa, le 20 novembre 1925. Et si son nom d'artiste est aujourd'hui associé pour l'éternité à la Coquette, c'est parce qu'il y a tout simplement grandi et fourni ses premières armes dans la musique. Lorsque la famille Aouchal vient s'installer à Annaba, Ahcène (pour l'état-civil) était encore dans les langes. Il avait à peine six mois. Il commencera très vite à tâter à l'art dans sa ville d'adoption, dans le quartier des Beni M'haffeur que les colons appelaient sarcastiquement à Annaba les Beni Ramassis car considéré alors comme un fief nationaliste, un vrai bastion de fedayin. Hassan quittera, très vite, les bancs de l'école pour s'intéresser à l'art et aux grands artistes de l'époque. Curieux et très habile, Hassan embrasse, dès l'âge de quatorze ans, un large spectre de disciplines artistiques. Pour la musique, il touchera à toutes sortes d'instruments. Il commencera, d'abord par faire partie d'une troupe de Aïssaoua avant que Abdelhamid Salloua, une figure marquante de la musique à Annaba, l'initie au piano et au solfège. Diplômé du Conservatoire de musique de Paris, Salloua était connu, partout en Algérie, pour être un accordeur de piano sans pareil. Le grand maestro, cheikh M'hamed El Kourd savait apprécier mieux que quiconque le talent et l'oreille absolue de Salloua qui, faut-il le rappeler, est mort dans les années 1990 dans l'anonymat total. Comédien et multi-instrumentiste L'évocation du métier d'accordeur de piano (qui requérait à l'époque de bonnes notions en musique et beaucoup de sensibilité) ne va pas sans nous rappeler l'existence aujourd'hui, d'une machine informatique implacable conçue à cet effet. Epaté par les vastes connaissances théoriques de Salloua, Hassan El Annabi ne cessera de chercher sa compagnie. Au théâtre, Hassan rejoint l'association Badr, dirigée par Omar Benmalek. Il y deviendra, en quelques années, non seulement un bon comédien et un bon pianiste mais aussi le président de cette association, pendant deux ans, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. A l'époque, le malouf à Annaba était un vivier de talents confirmés comme cheikh M'hamed El Kourd, son flûtiste Mohamed Bennani (l'oncle de Hamdi), Mostepha Ben Khammar, cheikh Samaï, cheikh Larbi, etc. Des noms illustres qui ont su imposer au malouf local, aux origines sévillanes, un style et un cachetparticuliers qui en font, à ce jour, une référence dans le monde de la musique arabo-andalouse. Loin de se sentir «écrasé» par l'aura de ces grands maîtres du malouf qui détenaient le monopole, Hassan El Annabi poursuivra, vaille que vaille, son petit bonhomme de chemin. Sa première apparition publique, il l'a doit à cheikh M'hamed El Kourd, le «ténor» du malouf annabi à qui il donnera la réplique au violon. La même année, il part célébrer un mariage à Souk Ahras en compagnie des frères Benzerka. Là, devant un public de connaisseurs, Hassan El Annabi connaîtra alors son premier succès. Encouragé, il crée sa propre troupe avec son ami Abdelaziz Mimoun dit «Khammar», un grand chanteur. Hassan continue, néanmoins, à taquiner les planches en intégrant la troupe de Mahieddine Bachetarzi où il joue dans Intissar el Haq et El Wadaâ El Akhir. Il enregistre ensuite son premier disque en 1958 chez Pathé Marconi F'taïma Rouhi, Ya Beni El Ouerchen et Djesmi fana. Ces deux chansons marqueront le début de sa grande popularité. Il faudra attendre 1962 pour que Hassan El Annabi récidive avec deux nouvelles productions Ya Moulet essaq drif et Men haoua rouhi oua rahati. El Kourd, Bachetarzi et les autres Malgré cette renommée naissante et son travail fécond, Hassan continuera, toutefois, ses recherches et n'hésitera pas à aller à la rencontre de grands artistes comme Abdelkrim Dali, Sadek Bedjaoui, Fadhila D'zirya, cheikh Hassouna, etc. Ces contacts lui permettront de consolider et d'affiner sa maîtrise et de s'affirmer davantage sur la scène locale. En 1966, il prend la tête de l'Orchestre pilote du ¨malouf avec la collaboration de Mimoun, de Bouhara, de Hassan Chaouch, de Triki et de Stambouli. Son approche originale du malouf a consisté notamment à simplifier les morceaux, à faire des recherches linguistiques pour donner un plus grand sens aux compositions. Son apport ne s'est pas limité à cet aspect mais s'est étendu à l'enseignement de la musique durant 15 ans à l'école communale. Ses élèves ont pour noms Salah Benini, Mebarek Dakhla, Warda Boutighane, Mourad Rachef et tant d'autres musiciens connus et moins connus. L'artiste nous a quittés le 30 septembre 1991 à la suite d'une longue maladie. Aujourd'hui, l'école de musique de Annaba porte son nom. En 1994, au pire moment de la décennie noire, un groupe de mélomanes annabis avaient décidé de créer un festival de malouf dédié à la mémoire de Hassan El Annabi. Les plus grands noms du malouf comme cheikh Mohamed-Tahar Fergani, cheikh Darsouni, Ben Tobbal, Layachi Dib ou encore Hamdi Benani répondront présent. Mais cette manifestation disparaîtra, hélas, aussi vite qu'elle fut créée !