«Trois ans de prison ferme et une amende 100 000 DA pour un pêcheur, propriétaire d'un sardinier.» La cause semble évidente, vu l'effervescence que connaît ce secteur ces derniers jours. Ahmed B. est pêcheur de père en fils ; c'est une famille riche et connue dans le milieu marin algérien. Mais depuis la flambée des prix de la sardine, ce propriétaire peine à régler ses employés qui sont en majorité des pères de famille. La raison est évidente : la rareté de la sardine pénalise à plus d'un titre les propriétaires de chalutiers, mais surtout les employés (pêcheurs) qui font face à une mer pas toujours calme et peu généreuse ces derniers temps. Cinq pêcheurs se trouvent désormais dans une situation financière des plus délicates. Ils arrivaient déjà rarement à boucler leurs fins de mois en temps normal, et la crise a pris une ampleur dramatique. Par conséquent, ces hommes de la mer lancent des SOS pour sauver leur peau et celle de leurs familles. Amar H., Kaci F., Saïd N., Abdelkader Y., Younès Ch. et Merouane B. ont déposé plainte contre leur employeur pour défaut de payement de leurs salaires. Appelé à la barre, l'accusé nie en bloc les chefs d'inculpation retenus contre lui. Il explique au magistrat que cette situation a touché tous les propriétaires de chalutiers et de sardiniers : «C'est une crise nationale. (…) Moi-même je me retrouve dans la même situation et ils le savent très bien ; je les comprends et je suis de tout cœur avec eux, mais Allah ghaleb, la saison ne nous a pas gâtés». L'accusé prouve sa bonne foi et se dit prêt à vendre son chalutier rien que pour régler ses amis ; il s'est dit outré et déçu par ses collègues auxquels il voue un respect sans faille. «Nous sommes ensemble depuis plus de 5 ans, et jamais je n'ai eu de problèmes avec eux, bien au contraire j'ai toujours été droit et juste». Pour conclure, Ahmed B. soutient : «A chaque fête, je prends en charge les frais et souvent ils prennent plus qu'ils ne gagnent. Et pour une fois que je déroge à la règle, pour des causes que tout le monde connaît, ils me poursuivent en justice !» Le procureur de la République a requis un an de prison et une amende de 50 000 DA. L'avocat de l'accusé a mis en exergue la crise qui sévit encore dans ce secteur : «La sardine est cédée à 350 voire 400 DA le kilo. Un élément important qu'il faut prendre en considération. Monsieur le président, mon client ne sort plus en mer, car il n'arrive pas à assurer le carburant de son chalutier qui coûte environ 100 000 DA par semaine». Et de renchérir : «Mon client fait partie d'une famille de pêcheurs sans histoires ; je vous signale qu'ils ont des employés qui ont pris leur retraite chez eux, soit 25 ans de service et sans aucun incident». Enfin, l'avocat propose que son client va régler les salaires de ses employés une fois que sa situation financière le lui permettra et qu'il est prêt à payer le retard cumulé et même plus. Le magistrat a pris note et le verdict sera connu la semaine prochaine.