L'Opep doit réfléchir à de nouvelles «alliances» avec les autres pays producteurs pour soutenir les prix du brut, a estimé, hier à Alger, l'expert pétrolier Pierre Terzian, en citant l'initiative algérienne basée sur la concertation et le dialogue pour rétablir l'équilibre du marché. Pour faire remonter les prix, «l'Opep doit penser à élargir les alliances (avec les autres producteurs). C'est ce qui est en train de se faire actuellement. Certains membres de l'organisation, notamment l'Algérie, œuvrent à élargir le cercle des alliances», a déclaré Terzian lors d'une conférence sur les tenants et les aboutissants de la crise pétrolière actuelle. Selon lui, l'Opep, qui a perdu son rapport de force, n'est plus en mesure de stabiliser le marché mondial de pétrole sans l'apport des autres pays producteurs. Terzian a expliqué, à ce titre, que l'Opep, face à l'abondance de l'offre du brut, n'a pas totalement cette capacité de peser sur les marchés comme elle le faisait de par le passé lorsqu'il y avait une rareté relative de pétrole. «Nous ne sommes plus dans une situation de l'après-pétrole mais plutôt dans celle de l'après-pétrole Opep», a considéré cet expert qui est PDG de Pétrostratégie, une société de consulting en énergie, lors de cette conférence organisée par Sonatrach D'ailleurs, a-t-il soutenu, les réserves mondiales de pétrole récupérables étaient estimées auparavant à 1000 milliards de barils, mais avec les nouvelles techniques d'extraction, elles se chiffrent à 1500 milliards de barils. «Ce qui signifie que le pic oil est encore loin». Mais pour Terzian, il est difficile de concilier les positions des pays membres au sein de l'Opep en raison des disparités des intérêts qui les animent. En effet, relève-t-il, si plusieurs membres de l'Opep s'inquiètent de la baisse de leurs revenus entraînée par la dégringolade des cours, l'Arabie saoudite s'inquiète plutôt de la défense de ses parts de marché, menacées par le pétrole de schiste américain. Donnant son point de vue sur les causes de la crise pétrolière actuelle, Terzian considère que l'Arabie saoudite a été à l'origine de cet effondrement des cours en procédant à la réduction du prix de son brut destiné aux marchés asiatiques sous prétexte de protéger la marge de bénéfice des raffineurs. Selon lui, si l'Arabie saoudite n'a pas révélé, d'emblée, les objectifs recherchés à travers cette baisse des prix, elle a fini, plus tard, par dévoiler sa stratégie qui consiste à protéger ses parts de marché en tentant de «chasser» le pétrole de schiste des marchés internationaux, notamment américain. La stratégie saoudienne, a-t-il ajouté, a également été motivée par des considérations politiques qui consistent à affaiblir la position de la Russie en Ukraine, relevant, cependant, que la Russie est en mesure de faire face à cette crise même si ses recettes pétrolières financent la moitié de son budget de l'Etat. «Beaucoup pensent que la Russie ne va pas tenir le choc et va finir par aller chercher un compromis. Ceux qui tiennent ce raisonnement ne connaissent pas la mentalité russe. La Russie n'est pas le genre de pays à se mettre à genou», affirme-t-il. Terzian a estimé que les leviers dont dispose l'Arabie saoudite dans sa tentative de «lutte» contre le pétrole de schiste américain n'auront pas l'impact escompté sur ce type de production. Plus précis, il a relevé que les coûts de production de schiste se situent dans une fourchette assez large oscillant entre 22 et 111 dollars et que, par conséquent, plusieurs producteurs américains peuvent résister à des prix même en dessous de 60 dollars. Interrogé sur l'opportunité pour l'Algérie de recourir à une éventuelle exploitation du gaz de schiste, le PDG de Pétrostratégie a soutenu que le débat sur ce sujet devrait être «rationnel» et mené par des scientifiques.