«Au fond des ruines reconquises, la respiration de l'Algérie suffisait pour chasser les mouches», disait Kateb Yacine pour démontrer les richesses culturelles de son pays. Intégrer, aujourd'hui, le patrimoine culturel dans les projets de développement est, assurément, une belle manière de faire (re)vivre des pans entiers de notre histoire. On se souvient, ainsi, qu'en 1986 Annaba avait accueillie 500 personnes de différentes nationalités venue célébrer le 1600° Anniversaire du baptême de Saint Augustin. Ce séjour intitulé «Sur les traces de saint Augustin» avait été organisé par l'ONAT en relation avec l'agence de voyages diocésaine Duomo Viaggi dépendant de l'évêché de Milan. Cela dit, les plus anciens à Annaba gardent en mémoire des «cohortes d'estivants» dont des Sud-Américains qui payaient avant-guerre une fortune pour être à Hippone le jour de la fête de sainte Monique et de saint Augustin célébrées respectivement le 27 et 28 Août de chaque année. Rencontré récemment, M. Selatnia Mohamed-Chérif, directeur régional de l'ONAT à Annaba envisage de relancer ce «circuit touristique qui consiste à visiter les sites que fréquenta l'évêque d'Hippone et à parcourir les routes qu'il emprunta dans la région pour prêcher la bonne parole» . M. Selatnia fait valoir que pour définir ce parcours l'ONAT s'est appuyé sur la caution des spécialistes qui admettent que le tracé des anciennes routes appelées «Voies proconsulaires romaines» correspond aujourd'hui aux grands axes de communication actuels. Par souci d'exactitude, cet itinéraire a été également confronté aux différentes recherches effectuées sur les trajets de l'évêque d'Hippone. Certaines données ont été ainsi puisées directement de son oeuvre et de sa vaste biographie. Par tradition, le périmètre dans lequel on pense que saint Augustin s'est fréquemment déplacé comprend pour principales étapes Hippone (Annaba), Calama (Guelma) Thagaste (Souk Ahras) Madaure (M'daourouche) , Thubursicu Numidarum (Khemissa) et enfin Thibbilis (Sellaoua Anouna) . Autant de sites qui seront tour à tour visités. Quant au type de la clientèle attendue, ce sont la plupart des pèlerins c'est-à-dire «des chrétiens pratiquants, des prêtres ou des ecclésiastiques qui désiraient depuis longtemps se recueillir dans ces lieux de mémoire qui ont tant marqué l'histoire de leur religion». Hippone, un gisement touristique Les plus assidus parmi les ressortissants étrangers à suivre les traces de Saint Augustin on peut citer les Français, les Italiens, les Maltais, les Américains, les Russes, les Brésiliens et même les Philippins. D'autres touristes peut être moins croyant ceux- là trouveront dans ce circuit matière à satisfaire leur curiosité intellectuelle et scientifique à l'endroit même où naquit, vécut et mourut le célèbre philosophe. Ce périple Augustinien permettra à ceux qui y prendront part, d'invoquer chemin faisant l'auteur des Confessions ou admirer simplement le décor de son inspiration. Plusieurs délégations de tour-operators continuent de visiter régulièrement différents sites archéologiques de la région Est du pays. Pour le directeur régional de l'ONAT, M. Selatnia Mohamed-Chérif , cet intérêt ne s'est jamais démenti de la part des professionnels étrangers. Mieux la tenue en avril 2001 du premier colloque international consacré au philosophe a marqué le «retour en force de saint Augustin dans son pays l'Algérie». Il faut savoir, en effet, que saint Augustin a été à la fois témoin et acteur de l'épanouissement du christianisme auquel il a contribué de manière déterminante. D'où l'importance culturelle et cultuelle du site d'Hippone, un gisement touristique insoupçonné et intarissable. Un haut lieu de pèlerinage pour les chrétiens De tout temps, le pèlerinage a constitué l'une des plus vieilles formes de migration touristique. Son fort développement actuel concerne, aujourd'hui, toutes les religions. On estime, ainsi, le nombre annuel de pèlerins chrétiens dans le monde à 90 millions de personnes (soit 70% de l'ensemble de la planète). Les chrétiens considèrent, ainsi, souvent le pèlerinage et le concept de retraite comme partie intégrante de la religion. Et c'est surtout l'église catholique qui encourage et facilite le plus cette pratique. Il faut savoir que dans l'Occident chrétien c'est surtout le culte des saints qui semble l'emporter sur toutes les autres formes de piété. Son volet le plus prisé est celui du culte des reliques. Beaucoup continuent à croire que les reliques conservent en effet la puissance miraculeuse dont le saint aurait disposé. Il est à noter que cette croyance populaire qui avait prit dans le passé des proportions considérables est aujourd'hui beaucoup moins impressionnante. La relique gardant son caractère précieux d'objet de curiosité. A Annaba, une relique de saint Augustin (son cubitus droit) est encastrée dans un monument tumulaire et conservée à ce jour dans I'abside de la Basilique d'Hippone. Sur le plan spirituel, saint Augustin peut constituer un modèle pour de nombreux chrétiens auprès duquel ils peuvent solliciter un secours contre le mal ou encore son intercession pour le salut de leur âme de pauvres pécheurs. Il reste, néanmoins, à ses lointains descendants de se montrer toujours dignes et fiers d'appartenir à un pays qui, manifestement a beaucoup offert au reste de l'humanité. La tâche ne sera pas facile puisque rares parmi nos concitoyens ont la nostalgie de ce passé qui ne représente au mieux, pour un grand nombre d'entre eux, que de vieilles pierres datant de «l'ère barbare» (El Djahiliya). Il est donc temps que les Algériens se réconcilient avec les différentes composantes de leur personnalité de manière à faire en sorte que les hôtes de l'Algérie repartent toujours persuadés que le génie Algérien persiste encore.