«Ne mettez pas des balles au canon et ne dirigez pas vos armes en direction des citoyens. Notre mission, qui entre dans le cadre de la sécurisation des personnes et des biens, consiste à effectuer des patrouilles et des descentes, si nécessaire. Procédez à des fouilles minutieuses des voitures et des véhicules et des personnes suspectées.» Telles sont les instructions données par le capitaine Azzedine Ailane, chef du bureau de la police judiciaire du groupement de la wilaya d'El Oued de la Gendarmerie nationale aux éléments de la section de sécurité et d'intervention (SSI, groupe d'élite). Après ces instructions, les éléments de la SSI, force de frappe de la Gendarmerie nationale, que nous avons accompagnés dans cette mission mardi, jusqu'en fin d'après-midi, embarquent dans leurs véhicules. Sportifs, jeunes, bien entraînés et déterminés, ils constituent l'un des remparts dans cette wilaya frontalière contre toute tentative d'accès en territoire national d'éléments des organisations terroristes et de contrebandiers d'armes et de matières explosives, notamment. Les éléments de l'Armée nationale populaire (ANP), ceux des gardes-frontières (GGF) et de la Gendarmerie nationale constituent la première ceinture de sécurisation des frontières. Les gendarmes sont également la deuxième ceinture qui s'étale sur des dizaines de kilomètres du chef-lieu de la wilaya d'El Oued frontalière avec la Tunisie et utilisée comme zone de passage par les contrebandiers d'armes, de matières explosives et de drogue vers Debdeb et les frontières libyennes. Face de ces tentatives, le maillage des frontières et ces tronçons routiers instaurée par l'ANP et les forces de sécurité met en confiance les Algériens contre les tentatives d'intrusion d'organisations terroristes, dont la nébuleuse autoproclamée Etat islamique (EI ou Daech) en territoire national. A la détermination des militaires, des gendarmes et de l'ensemble des forces de sécurité face à cette menace s'est ajoutée une expérience étonnante sur terrain. Les gendarmes de la SSI de la wilaya d'El Oued sont devenus, par la force de leur expérience, de véritables connaisseurs du désert et de la filature dans le Sahara. «Entre les prières d'El Asr et du Maghreb, le vent du désert se renouvelle», nous dira un des éléments de la SSI que nous avons accompagnés. C'est le moment que les terroristes ou les contrebandiers pourraient choisir pour tenter de se déplacer dans le désert et effacer leurs traces. Ce moment est donc saisi par les éléments du groupe d'élite de la Gendarmerie nationale pour tendre des embuscades. C'est en direction de la commune de Oued El Arenda que les éléments de la SSI se dirigent en premier. «Ce tronçon de route qui ne se trouve pas loin des frontières tunisiennes est emprunté par les contrebandiers», d'après les éléments de la SSI. Ce tronçon routier nous mène également vers Mih Ghzala. «En langage local, ‘‘Mih'' signifie puits et ce tronçon également est emprunté par les contrebandiers», nous précise un des gendarmes. Il s'agit également d'un tronçon routier menant vers Hassi Messaoud, à partir du lieudit Douar El Ma, et Debdeb se trouvant juste aux frontières libyennes. Un itinéraire utilisé par des contrebandiers de toutes sortes, dont ceux pratiquant la contrebande d'armes et de matières explosives. Le compresseur pour effacer les traces dans le désert En cours de route, nous rencontrons de nombreux véhicules tout-terrain de marque Toyota Station. «Ces véhicules sont très utilisés par les trafiquants», nous dira le capitaine Azzedine Ailane. Un autre véhicule de cette marque croise la patrouille de la SSI qui l'invite à s'arrêter. Le véhicule est fouillé par les gendarmes qui découvrent un compresseur et des pneus. «Les contrebandiers utilisent souvent un compresseur. Je vous explique : pour ne pas s'enliser dans le sable du désert, ils dégonflent les pneus de leurs véhicules. Le compresseur leur sert pour regonfler les pneus une fois sortis du sentier désertique», nous dira le capitaine Ailane. «Le conducteur de ce véhicule est fort probablement un contrebandier mais on ne peut pas l'interpeller puisqu'on n'a rien trouvé de prohibé à bord de son véhicule», ajoute-t-il. Les trafiquants sont solidaires entre eux. Celui qui tombe dans les mailles du filet tendu par l'armée ou la gendarmerie, est soutenu par les autres contrebandiers qui lui remettent une somme d'argent lui servant de se relancer dans la contrebande, nous apprennent les éléments de la SSI. Nous traversons par la suite les lieudits «Robbah» et «Gueddachi». Des hameaux où le mal vivre et les difficultés socioéconomiques frappent aux yeux. «Ici, ce sont uniquement les gendarmes qui nous rendent visite. Les autorités locales se déplacent moins souvent dans nos hameaux», nous diront plusieurs habitants de ces localités. Rassurées par le passage des gendarmes, les familles expriment leur enthousiasme. Des enfants saluent les éléments de la SSI. Aux abords de la route, des familles sont installées sur le sable du désert à quelques dizaines de mètres de la chaussée, préparant le repas à même le sable. Elles sont approchées par les éléments de la SSI. Les gendarmes invitent ces familles à ne pas se rendre dans certains «endroits à risque». «Il y a des endroits se trouvant notamment sur la route menant vers Hassi Messaoud et Debeb qui peuvent être très risqués et enregistrent des perturbations dans le réseau de téléphonie mobile. Ce qui fait qu'en cas de danger, ces citoyens ne peuvent même pas appeler les secours», explique le capitaine Azzedine Ailane. Il faut dire que la wilaya d'El Oued ne dispose pas d'infrastructures en nombre suffisant pour accueillir les familles qui, souvent, sont contraintes de se déplacer dans le désert pour le divertissement. Cette wilaya ne dispose d'aucune salle de cinéma ni de théâtre. Les véhicules de marque «Toyota Station» continuent de passer sur ces tronçons routiers. Les éléments de la SSI procèdent aux fouilles. «Notre présence est certainement communiquée aux contrebandiers», diront des éléments de la section de sécurité et d'intervention qui disposent d'une grande expérience en matière de lutte contre le terrorisme et la contrebande. Les hameaux auxquels nous nous sommes rendus, comme «Robbah» et «Gueddachi», semblent dépourvus de toute commodité permettant d'offrir une vie ordinaire. Le chômage bat son plein. Ce qui n'aide pas à convaincre les habitants locaux de ne pas s'impliquer dans la contrebande, nous diront des sources locales. De nos envoyés spéciaux à El Oued, M. Abi et F. Hamici