La crise qui secoue le Yémen est devenue très complexe avec la multiplication des actes de violence notamment à Sanaa où près de 80 personnes ont été tuées vendredi dans une série d'attentats contre deux mosquées, les plus sanglants depuis la chute de la capitale aux mains des milices houthies. Selon des sources médicales, au moins 77 personnes sont mortes et 121 autres ont été blessées dans les attaques de Sanaa tombée, fin janvier, aux mains des milices chiites appelées houthies. Pendant la prière hebdomadaire de midi, un kamikaze s'est fait exploser à la mosquée Badr, dans le sud de Sanaa, suivi d'un autre à l'entrée de ce même lieu de culte au moment où les fidèles prenaient la fuite, selon des témoins. Un troisième kamikaze a attaqué une mosquée du nord de la capitale. Les attentats se sont produits quasiment au même moment. Les Houthis prient dans ces mosquées et parmi les morts figure l'imam de la mosquée Badr et important responsable religieux de la milice, Al-Mourtada ben Zayd al-Muhatwari, selon une source médicale. Ces trois attaques sont les plus meurtrières depuis la prise du pouvoir à Sanaa par les Houthis début février. Le dernier attentat particulièrement sanglant dans la capitale remonte au 7 janvier (40 morts) et avait visé l'académie de police à Sanaa. Les attentats de Sanaa ont été revendiqués par l'organisation autoproclamée Etat islamique (EI, Daech), dans un communiqué publié vendredi sur internet et signé d'une branche de l'EI au Yémen. Par ailleurs, un quatrième attentat suicide a eu lieu à Saada, bastion des Houthis dans le Nord, où un kamikaze s'est fait exploser devant une mosquée mais sans faire de victime, les forces de sécurité l'ayant empêché d'y pénétrer, selon une source proche de la milice. "Echec d'une tentative d'un putsch" Le carnage de Sanaa intervient au lendemain de l'évacuation du président Abd Rabbo Mansour Hadi vers un "lieu sûr" après un raid aérien contre son palais présidentiel à Aden. Mais il "n'a pas quitté le pays", a précisé une source de la présidence. Des affrontements avaient éclaté avant ce raid à Aden entre les unités d'un général rebelle, Abdel Hafez al-Sakkaf, et des membres des "comités populaires" (supplétifs de l'armée) fidèles à M. Hadi. Les troupes fidèles au président ont réussi à reprendre le contrôle de la ville. Après ces combats, M. Hadi a dénoncé "l'échec d'une tentative d'un putsch". Le général Sakkaf, dont les liens sont avérés avec les Houthis et l'ex-président Ali Abdallah Saleh, a fui Aden après les affrontements mais son convoi est tombé dans la nuit dans une embuscade sur la route menant à Sanaa, selon un responsable militaire. Il s'en est sorti indemne et quatre gardes du corps ont péri, a ajouté le responsable sans autre précision sur le lieu où se trouve désormais le général qui avait refusé un ordre de limogeage de M. Hadi. Le mouvement Ansaruallah, autre nom pour les Houthis, avait déferlé en septembre 2014 à Sanaa, venant de son bastion Saada, puis étendu son influence vers l'ouest et le centre du pays. Il a ensuite forcé le gouvernement et le président à la démission, dissous le Parlement et décrété la création de nouvelles institutions. Mais M. Hadi a retiré sa démission et est considéré par la communauté internationale comme "président légitime" du Yémen. Il s'est réfugié à Aden (sud) son fief. Et lundi dernier, les Houthis ont libéré le Premier ministre yéménite, Khaled Bahah, le ministre des Affaires étrangères, Abdallah Alsaidi, ainsi que d'autres membres du gouvernement, après près de deux mois passés en résidence surveillée. Quant au dialogue de sortie de crise parrainé par l'ONU, le processus est dans une impasse et les observateurs évoquent "un sérieux risque de guerre civile" au Yémen.