Luis Suarez, auteur d'un but d'attaquant pur, a terrassé le Real Madrid (2-1) dans un clasico électrique dimanche et offert une victoire inestimable au FC Barcelone, qui prend quatre longueurs d'avance en tête du Championnat d'Espagne à dix journées de la fin. C'est la rédemption du paria: l'avant-centre uruguayen, longuement suspendu pour avoir mordu un adversaire au Mondial-2014, est revenu en pleine lumière lors de la 28e journée de Liga, sous l'œil des caméras du monde entier. Suarez avait repris la compétition lors du match aller perdu en octobre au stade Santiago-Bernabeu (3-1), délivrant une passe décisive. Cette fois, il a inventé un but d'attaquant pur sur un long ballon de Dani Alves (56e), contrôle puis frappe croisée, alors que le Real poussait pour prendre l'avantage. Cristiano Ronaldo (31e) avait auparavant égalisé après l'ouverture du score de Jérémy Mathieu (19e). Même si le Barça a raté ensuite plusieurs occasions de se mettre à l'abri, le but tout en instinct de Suarez a suffi aux Catalans pour l'emporter et assommer leur dauphin dans la course au titre. Voilà Barcelone nanti de 68 points, quatre de plus que le Real (2e, 64 pts) et huit de mieux que Valence (3e, 60 pts). Ce n'est pas une assurance tout risque mais cela commence à ressembler à un ascendant confortable avant le sprint final. Le Barça pragmatique Dans un match très indécis, le sort du match a oscillé en permanence entre les deux camps. La défense madrilène a longtemps contenu le trident offensif barcelonais "MSN" (Messi-Suarez-Neymar), qu'on a assez peu vu en première période. Juste le temps pour Messi d'enrouler un coup franc excentré pour la tête de Jérémy Mathieu, qui a battu Iker Casillas (19e). Ce but sur coup de pied arrêté, au même titre que celui de Suarez sur un long ballon, a bien résumé la mue opérée par le Barça cette saison sous la direction de Luis Enrique: les Catalans sont plus pragmatiques et moins attachés à leur sacro-saint jeu de passe. Le Real, convalescent ces dernières semaines, aurait pu mériter beaucoup mieux, comme sur cette reprise expédiée sur la barre par Ronaldo (12e). A l'inverse, le score aurait pu atteindre 2-0 si Neymar, se retrouvant seul devant Casillas après une frappe de Suarez, n'avait pas raté l'immanquable. Sur la contre-attaque, Karim Benzema a placé une merveille de talonnade et Ronaldo s'est jeté pour égaliser (31e), avant d'inciter le Camp Nou à se taire d'un geste impérieux. L'égalisation a galvanisé le Real: on a vu les Madrilènes gagner nombre de duels et presser haut et il a fallu un excellent Gerard Piqué pour maintenir le score inchangé. Le défenseur catalan a notamment taclé un ballon dans les pieds de Bale qui filait au but (39e). But refusé à Bale Juste avant et après la pause, on a longtemps cru que le Real allait prendre l'ascendant: but de Bale annulé pour un hors-jeu préalable de Ronaldo (40e), missile de "CR7" claqué par le gardien (43e), frappe de Bale juste à côté après un corner (44e), Benzema qui bute sur le gardien Claudio Bravo au bout d'une belle action collective (49e)... Mais le but de Suarez a tout changé. Le Real a dû attaquer, laisser des espaces, et si Neymar n'avait pas été si gourmand après deux festivals de dribbles (68e, 71e), le Barça aurait pu passer une fin de match tranquille. Casillas a d'ailleurs sorti plusieurs ballons chauds et Benzema a encore buté sur Bravo (78e) alors que Messi, un peu en retrait dans ce match, avait frôlé le cadre (73e). Des "Olé, Olé" sont alors tombés des tribunes du Camp Nou: le Barça, avec l'autorité d'un leader, a replongé le Real dans le doute et marqué les esprits. Et cela, il le doit à Suarez.