Le verdict de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest est tombé jeudi. Des peines de prison allant de un an avec sursis à 20 ans de réclusion ont été prononcées, ainsi que trois acquittements, contre 23 personnes morales et physiques. Le principal accusé, Chani Medjdoub (conseiller de Citic Crcc Chine) a été condamné à une peine de 10 ans de réclusion criminelle assortie d'une amende de trois millions DA pour corruption et blanchiment d'argent. Une amende de cinq millions de dinars a été infligée à chacune des sept entreprises étrangères impliquées dans cette affaire : Citic Crcc Chine, Cojaal Japon, Pizarroti suisse, Caraventa Suisse, Isolux Corsan Espagne, SMIN Canada et COBA Portugal. Vingt ans de réclusion ont été prononcés par contumace à l'encontre de Kouidri Tayeb (en fuite) à la fin du procès. Une peine de prison ferme de 10 ans assortie d'une amende de trois millions DA a été également prononcée contre Khelladi Mohamed (directeur des nouveaux programmes de l'Agence nationale des autoroutes) pour trafic d'influence, corruption, perception de présents injustifiés et dilapidation de deniers publics. Hamdane Rachid Salim (ex-directeur de la planification au ministère des Travaux publics) a été quant à lui condamné à une peine de sept ans de réclusion et un million DA d'amende pour trafic d'influence, abus de fonction, perception de présents injustifiés et blanchiment d'argent. La même peine de réclusion et trois millions DA d'amende a été infligée à Adou Tadj Eddine, homme d'affaires, pour trafic d'influence, abus de fonction, blanchiment d'argent et corruption. L'ex-SG du ministère des Travaux publics Bouchama Mohamed a été acquitté, ainsi que Allab El Khier, investisseur, et Ferrachi Belkacem, ex-cadre au ministère des Transports. Adou Sid Ahmed a été condamné à trois ans de prison dont une année ferme pour trafic d'influence, blanchiment d'argent et corruption. Trois ans de réclusion criminelle et 500 000 DA d'amende ont été prononcés contre Ouezane Mohamed, dit Colonel Khaled, fonctionnaire au ministère de la Justice pour trafic d'influence, abus de fonction, perception de présents injustifiés et corruption. Ghazali Ahmed Rafik, ex-directeur des études à l'Agence nationale des autoroutes (ANA ) a été de son côté condamné à une année de prison avec sursis pour trafic d'influence, abus de fonction, perception de présents injustifiés et corruption. Les trois sœurs Ghrieb ont été condamnées à une année de prison avec sursis et une amende de 500 000 dinars pour complicité dans le blanchiment d'argent. Les frères Bouznacha ont été quant à eux condamnés à un an de prison avec sursis pour violation de la législation relative au change. Par ailleurs, bien qu'il eut ordonné la saisie de tous les biens mobiliers, immobiliers et comptes bancaires de Chani Medjdoub et de Khelladi Mohamed, le tribunal criminel d'Alger a rejeté jeudi les demandes de dédommagement matériel et moral des parties civiles, dont le Trésor public, qui se sont estimées lésées dans l'affaire de l'autoroute Est-Ouest. Le montant qui avait été demandé par le Trésor public s'élève à 12 millions de DA à l'encontre de Khelladi Mohamed et Chani Medjdoub, les deux principaux accusés dans cette affaire. Quant à l'Agence nationale des autoroutes (ANA), elle a demandé que les accusés lui versent solidairement cinq millions DA pour la dédommager du préjudice moral qu'elle a subi suite à cette affaire. Le tribunal a refusé également la constitution comme partie civile de l'administration douanière, considérant que cette dernière n'a pas subi de «préjudice en relation avec cette affaire». La défense partagée entre satisfaction et déception La défense des 22 personnes morales et physiques est partagée entre satisfaction et déception après le verdict prononcé à l'issue du procès mené durant huit jours par le juge Hellali Tayeb, un verdict alliant acquittement et lourdes peines de prison qui ont été prononcées contre les 15 personnes impliquées dans cette affaire, dont Chani Medjdoub et Khelladi Mohamed. Le défenseur de Mohamed Bouchama, ex-SG du ministère des Travaux publics, qui a été acquitté a, dans une déclaration à l'APS, estimé que «la surprise ne réside pas dans la relaxe de son client mais plutôt dans le fait qu'il ait été poursuivi et détenu pendant un an alors même qu'il a nié les faits qui lui étaient reprochés». «Mon sentiment est que j'éprouve une satisfaction suite à ce verdict», a indiqué l'avocat, pour qui «l'essentiel est que justice soit faite». Dans ce procès, Allab El Khier, investisseur, a été acquitté également. Son avocat, maître Bergheul Khaled, a dit «s'être attendu à cette issue. Personnellement, je m'attendais à ce qu'il soit acquitté car il n'est mêlé ni de près ni de loin à une quelconque malversation dans les contrats avec Citic», a-t-il dit. Il a ajouté que son client n'a pas été entendu lors de l'instruction (de l'affaire), car il était à l'étranger. Mais «il a choisi de se mettre à la disposition de la justice et a bénéficié d'une relaxe», a-t-il ajouté. Maître Abderrahmane Amine Sidhoum, avocat du principal accusé Chani Medjdoub a qualifié le verdict de «dur» et a souligné que son client continue de «clamer son innocence», et qu'il est «une victime dans ce dossier». Dans un précédent communiqué transmis avant l'annonce du verdict à la presse par son avocat, Chani avait indiqué qu'il entamerait une grève de la faim à partir de dimanche prochain «quel que soit le verdict». Les entreprises étrangères ont rejeté le verdict Maître Fatma Chenaïf, avocate de l'entreprise japonaise Cojaal, relève que l'amende de cinq millions DA infligée par le tribunal criminel d'Alger «est lourde ; cette décision n'est pas satisfaisante. Un recours est prévu devant les instances suprêmes». Selon elle, la condamnation repose uniquement sur «l'intime conviction et il n'y a aucune preuve pour justifier cette décision». Maître Kamal Maouche, avocat d'Isolux Corsan (Espagne), rejette l'amende de cinq millions de DA infligée à son client et souligne qu'un pourvoi en cassation sera déposé car «le problème réside dans la condamnation» et non dans le montant de l'amende. Les avocats de Citic et de SMIN Canada ont aussi décidé d'introduire des pourvois en cassation. Enfin maître Belarif estime que les entreprises condamnées dans cette affaire «ne doivent plus participer» à des soumissions de marchés publics en Algérie. Il y a lieu de noter enfin que le procès est suivi par une «audience» nombreuse composée entre autres de journalistes et de citoyens.