La surveillance électronique et les mises sur écoute sont des pratiques très répandues au Maroc, où des journalistes et des militants des droits de l'homme ont été particulièrement victime de violations de vie privée, selon un rapport établi récemment par l'ONG Privacy International, qui dénonce une très grave atteinte aux libertés individuelles et droits fondamentaux. Privacy International qui a rencontré des militants et des journalistes marocains espionnés par le gouvernement du Maroc et des organisations associées au pouvoir, a indiqué dans son rapport que les victimes ont été notamment mises sur écoute ou surveillées à l'aide de logiciels informatiques onéreux achetés à des sociétés étrangères. Grâce à l'Association des droits numériques, son partenaire local, l'ONG a affirmé avoir pu retracer plusieurs cas dérangeants de surveillance particulièrement intrusive au Maroc, citant le cas de quatre citoyens marocains placés sous surveillance, et l'impact que cela a eu sur leurs vies et celles de leurs familles. Certaines victimes ont été visées par «un logiciel espion extrêmement onéreux» de la société italienne de surveillance Hacking Team. Ainsi d'après un rapport publié en 2014 par Citizen Lab - le groupe de recherches interdisciplinaires de l'université de Toronto - Hacking Team aurait vendu son logiciel espion Remote Control System à 21 pays, connus notamment pour leur peu de considération à l'égard des droits de l'homme et des libertés. Dans d'autres cas, la surveillance au Maroc, selon Privacy International, se fait par un «passage en force numérique». Des journalistes et des militants ont ainsi vu leurs adresses e.mail et comptes Facebook piratés par des groupes de hackers «nationalistes». Le rapport fait état de récits de voisins et de proches visités par les forces de l'ordre pour obtenir des informations ou «simplement pour intimider les militants» ou des écoutes téléphoniques. «Ces activités illégales sont par ailleurs restées impunies», dénonce l'ONG, qui signale que la surveillance s'effectue aussi par des tactiques policières plus traditionnelles, mais non moins intimidantes et douteuses d'un point de vue légal. L'organisation soutient dans son rapport que l'Etat marocain a investi «massivement» dans l'espionnage de ses citoyens afin de surveiller leurs activités et réprimer toute forme de dissidence. De précédentes révélations avaient déjà mis en lumière l'achat en 2011 par le gouvernement marocain des infrastructures de surveillance Eagle pour une valeur de 2 millions d'euros. Eagle permet au gouvernement de censurer Internet et de surveiller le trafic Internet, en utilisant une technologie nommée Deep Packet Inspection. Eagle a été vendu au Maroc par Amesys Bull, une entreprise française «tristement célèbre» pour avoir déjà vendu une technologie du même type à d'autres pays. L'ONG cite également l'exemple dans son rapport de Mamfakinch, un collectif de citoyens reporters critiques à l'égard du régime, créé parallèlement au mouvement du 20 Février et qui a été visé par un logiciel espion développé et commercialisé par Hacking Team. Grâce à ce logiciel espion, estimé à 200 000 €, le hacker pourrait avoir accès à tous les fichiers de l'ordinateur visé, d'espionner en temps réel l'usage qui est fait de l'ordinateur et de voir ce qui apparaît sur l'écran, d'enregistrer toutes les touches sur lesquelles l'utilisateur tape, révélant ainsi les mots de passe saisis, de faire des captures d'écrans, d'enclencher la caméra pour prendre des photos et faire des vidéos sans que l'utilisateur le remarque. Trois membres du collectif de Mamfakinch, des journalistes et militants, Hisham Almiraat, Samia Errazzouki et Yassir Kazar, ont été pratiquement victimes de ces pratiques. Autre cas, celui d'une personnalité bien connue au Maroc, le journaliste d'investigation et le rédacteur en chef du média indépendant en ligne Lakome, Ali Anouzla, bloqué par le gouvernement marocain depuis octobre 2013 et accessible seulement via des sites miroirs.