Les patrons algériens ont déploré les contraintes qui freinent la politique de relance économique. Ils ont énuméré, lors d'une rencontre organisée hier au forum du quotidien El Moudjahid, un certain nombre de blocages qui ont mis en péril l'application de plusieurs mesures et décisions prises par les pouvoirs publics en vue de mettre sur les rails des secteurs très porteurs et surtout vitaux. D'emblée, Habib Younsi, président de la CGOA, a indiqué que l'évaluation du pacte économique et social reste incomplète. Une situation qui ne permet pas aux différents signataires d'avancer dans les négociations et de combler les lacunes constatées. «Nous n'avons fait que l'évaluation de la partie concernant l'aspect administratif touchant aux engagements et aux devoirs des chefs d'entreprise, ce qui n'a pas été fait pour les revendications des patrons relatives à l'amélioration des conditions d'investissement en Algérie», a-t-il expliqué lors de son intervention. A ce propos, le président de la Cipa a déploré la non-application des dispositions de ce pacte par certaines institutions de l'Etat qui sont pourtant partie prenante. «Les relations entre la centrale syndicale et le patronat est excellente et la concertation a eu de bons résultats. Ce n'est pas le cas pour certains ministères et institutions publiques, à part celle des impôts, qui ne donnent aucune suite à nos demandes de rendez-vous ou à nos nombreuses sollicitations pour le règlement des problèmes posés», a précisé Abdelaziz M'henni, président de la Cipa. «Ce comportement négatif exprimant un rejet et un refus de tout ce qui a trait aux chefs d'entreprise est voulu. Les conséquences sont lourdes. Nous ne sommes pas des défenseurs de la mafia mais nous sommes les représentants des investisseurs nationaux», a encore ajouté M. M'henni. Des problèmes en stand-by M. Yousfi a enchaîné ensuite sur la gravité de la situation de plusieurs secteurs. «Il y a des problèmes majeures qui sont restés en stand-by depuis plusieurs années sans que les autorités concernées n'accordent du temps ou se penchent de façon sérieuse pour apporter des solutions concrètes», a-t-il encore ajouté. Cette situation, selon les patrons présents à cette rencontre, a fait qu'il y a des secteurs qui se trouvent aujourd'hui menacés dont celui de la PME et de l'investissement de manière générale. «Il y a des entreprises qui mettent la clé sous le paillasson tous les jours», a-t-il ajouté. Il a affirmé que le programme de la mise à niveau a été un véritable échec et n'a rien apporté aux entreprises puisque les fonds colossaux dépensés par l'UE et par le gouvernement algérien n'ont pas servi à concrétiser le programme Meda. Il estime que cette fin dramatique est la conséquence de la négligence du savoir-faire et de l'innovation, deux éléments dont dispose largement l'Algérie grâce à la formation des cadres. Il regrette aussi le fait que ce programme ait fait l'objet d'un grand conflit entre deux départements ministériels qui se disputent l'appartenance alors que «la mise à niveau ne doit pas être, actuellement, une priorité pour l'Algérie qui devrait se consacrer aux autres problèmes ayant été à l'origine de la faillite de ce secteur. Beaucoup de pays ont réussi sans cette mise à niveau», a encore souligné M. Yousfi. Mme Françoise Agli, vice-présidente de la Seve, a demandé des mesures d'aide urgentes au profit des PME mourantes à même d'effacer leurs dettes comme ça a été le cas pour le secteur de l'agriculture.
Des institutions financières sceptiques Dans le même contexte, le président de la Cipa a souligné la difficile conjoncture dans laquelle est née la PME qui a souffert des affres de la décennie noire et de la dévaluation du dinar. Il a évoqué la limite des prérogatives des banques, un autre secteur qui freine l'épanouissement des investissements nationaux. «Les institutions financières restent sceptiques à toute demande d'aide ou de financement de projet. Cette situation se pose au niveau des institutions financières publiques, sachant qu'elles détiennent une parfaite connaissance des clients», a indiqué Abdelaziz M'henni. Il a ajouté que le patronat a formulé plusieurs propositions aux pouvoirs publics en vue d'alléger le traitement accordé aux entrepreneurs locaux. «La concrétisation de ces mesures tarde à voir le jour», a-t-il commenté. Mohamed Khodja, sénateur, est revenu sur les lourdeurs relevant du secteur financier en appelant le gouvernement à revoir les mécanismes bancaires. «C'est d'ailleurs une priorité car il ne peut pas y avoir d'investissement sans l'implication forte et totale du secteur financier», a-t-il soutenu. «D'autant que les banques disposent de capitaux énormes depuis qu'elles ont bénéficié de mesures de recapitalisation. Il existe aujourd'hui 1149 milliards de dinars au niveau des banques, c'est une masse importante qui peut avoir un apport important sur le secteur de l'investissement», a-t-il indiqué. Une question épineuse Il est revenu, lui aussi, sur l'importance du pacte économique et social qui est «un cadre important à travers lequel les choses sont appelées à s'améliorer en attendant la finalisation des dossiers qui sont en cours». «Ce point comme beaucoup d'autres problèmes peuvent être négociés dans le cadre de la tripartite», a-t-il recommandé. Les patrons sont revenus aussi sur l'application de la stratégie industrielle, une autre question épineuse qui a fait l'objet de multiples critiques vu qu'elle n'est toujours pas mise en œuvre. Un appel a été lancé en vue de demander au gouvernement d'accélérer son application, surtout qu'elle aidera à la promotion des secteurs hors hydrocarbures. «La stratégie est bonne, elle est même importante mais sa conception et sa mise en œuvre doit être prise au sérieux. Nous savons que les recommandations annoncées à l'issue des assises n'ont pas été appliquées par le département ministériel en charge du dossier», a précisé M. Khodja. Maître Guemache, élue à l'APW d'Alger, a mis l'accent, dans son intervention, sur la nécessité de valoriser les compétences nationales et à leur donner l'occasion de mettre en œuvre leur savoir-faire sur le terrain.