Elle est tellement touchante qu'on oublie son originalité, cette vidéo postée sur Youtube. Pourtant, il est vraiment «spécial», le petit document. Une fois qu'on a évacué le doute sur son authenticité et réalisé qu'il ne s'agit pas du tout d'un canular comme on en fait beaucoup sur la toile, on se rend compte de la chance qu'on a de tomber sur ce trésor. Celui qui parle s'appelle Abdelkader Eddalia et il est président du collectif des… concierges d'Alger. Et comme le font tous les animateurs des mouvements corporatistes en colère, il formule des revendications et dénonce l'oubli dont lui et ses confrères de la capitale ou du reste du pays sont victimes depuis des années. Bien évidemment, ce n'est pas le coup de gueule indigné, contestataire et revendicatif du représentant des «gardiens d'immeubles», comme on les appelle dans un langage plus soft, qui attire l'attention. La protestation, les demandes sociales, voire les débrayages, ce n'est pas vraiment ce qui manque dans notre paysage où les raisons de fulminer sont toujours à portée de main. La véritable «info» dans tout ça est que M. Abdelkader Eddalia nous apprend qu'il y a encore des concierges dans notre cher pays. Il nous donne même des chiffres précis, puisqu'ils seraient 4600 dans la seule capitale et quelque 12 000 à travers toute l'Algérie. Il ne nous précise pas si ces chiffres concernent les concierges encore en activité mais on peut aisément le deviner, puisque dans son intervention, M. Eddalia nous dit que l'écrasante majorité de ses confrères a plus de 60 ans, et l'essentiel de leurs demandes réside dans le droit au logement, étant donné que pour la plupart, ils occupent toujours les chambres de bonne qui leur ont été attribuées comme habitat d'astreinte dans les… années 1960. Ah, les années 1960 ! On est en plein dans la véritable info. La réalité démographique étant ce qu'elle est, il ne doit pas rester beaucoup d'Algériens en âge de se souvenir de ce temps béni où tous les immeubles d'Alger et des autres villes du pays avaient un ou une… concierge. Rien que pour la «mémoire», les pouvoirs publics devraient s'occuper de ces femmes et de ces hommes qui nous rappellent que dans notre histoire récente, nous avons connu des immeubles pas encore désertés par l'humanité. S'agissant d'humanité, il y en a une, toute entière, qui n'a pas connu cette époque-épopée «héroïque» où on pouvait dire bonjour à une dame ou un monsieur plein de bonhomie et de sollicitude en quittant la maison ou en y rentrant. De braves gens qui vous remettent votre courrier et veillent à votre quiétude. Cette humanité-là n'a pas connu les concierges, qu'elle confond d'ailleurs lamentablement avec «coussirdjate» qui font un autre «métier». Celles-là, elles doivent être encore plus nombreuses que les vraies concierges qu'on croyait définitivement disparues si M. Eddalia n'est pas venu les rappeler au bon souvenir de quelques dinausores encore en vie parmi ses compatriotes. Les «coussirdjate» ne poussent pas de cris de colère, elles surveillent ceux des autres. C'est à se demander d'ailleurs comment le coup de gueule du représentant des vrais concierges a pu leur échapper. Sinon on aurait pu tout de même en entendre parler ailleurs que sur Youtube. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.