Pourquoi les jeunes ne lisent plus ou plutôt pourquoi ils ne lisent pas ? Totalement détournés du monde des livres, les jeunes Algériens ne subissent, selon des libraires, que l'oubli des autorités publiques de ce secteur culturel, et le manque de matière pécuniaire n'a fait qu'aggraver le triste constat. En effet, les causes sont bien connues, prépondérance des médias, tels que la télévision, la radio et l'internet ainsi que les jeux vidéo. Ali Bey Abderrahmane, directeur de la librairie du Tiers- Monde, située à Alger-Centre, nous a indiqué qu'«en premier lieu, le rôle de l'école est primordial, puisque ayant la mission d'orienter et d'encadrer les élèves. C'est à l'école d'inculquer le désir de lire». Dans tous les pays du monde, 30 à 40% des manuels scolaires sont vendus dans les librairies. De par ce procédé, il se crée une connexion entre le jeune enfant et les livres, et il aura ainsi l'habitude de fréquenter les librairies. On peut suivre l'exemple des écoles privées qui, durant les vacances scolaires, recommandent régulièrement à leurs élèves d'acheter des livres et d'en faire des résumés à présenter sous forme d'exposés à la reprise des cours. On se demande pourquoi les élèves de l'école publique ne se manifestent que deux fois l'année, Le 16 avril, jour du savoir, pour demander des livres sur Ibn Badis, et à la veille du 1er Novembre, pour faire un exposé sur un combattant de la guerre de libération. Lors de ses rencontres avec les écrivains et les auteurs, Ali Bey nous a révélé que ces derniers se demandent pour qui vont-ils écrire dans les prochaines années. Ce sujet récurrent, poursuit-il, revient à chaque occasion. Le prix du livre est exorbitant Par ailleurs, les rares jeunes qui fréquentent les bibliothèques encore en activité en pensent que le contenu est pauvre et ne trouvent souvent que des livres très anciens et qui n'attirent pas leur attention. L'amenuisement du pouvoir d'achat est l'une des principales explications. Un père d'une famille nombreuse ne peut se permettre d'acheter des bouquins car la nourriture est prioritaire. En revanche, il existe des familles qui misent sur un seul enfant, l'accompagnant dans son cursus scolaire et mettant à sa disposition tous les moyens possibles pour qu'il réussisse dans ses études. Notre interlocuteur a mis en relief le fait que beaucoup de citoyens jugent que le prix du livre est exorbitant, ce que comprennent évidemment les libraires. Néanmoins, «cher par rapport à quoi», se demandent-ils sur un ton ironique. «L'auteur entame le parcours du combattant avant de voir son œuvre publiée.» Un autre libraire, M. Boussad, déplore la situation actuelle. Pour lui, l'éloignement des jeunes de la lecture a favorisé l'indiscipline, et l'école, tous cycles confondus, en est responsable. Et d'ajouter qu' «en plus de l'échec scolaire, il ne faut point s'étonner de leur violence». M. Ali Bey pense que les solutions existent pour former une nouvelle génération de lectorat juvénile. C'est une question d'approche, tout en insistant sur le rôle de l'école, de la famille et de l'environnement social. Selon son appréciation, l'Etat est passif et considère le livre comme un produit banal, en plus de la politique culturelle qui n'est pas adaptée aujourd'hui aux nouvelles mentalités. Dans la foulée, il estime que «si dans chaque commune des bibliothèques sont ouvertes, avec une richesse de volumes, ciblant les jeunes du quartier, il devient possible de former un potentiel lectorat». La création de bibliothèques encouragera les jeunes à lire De même que dans les agglomérations, les villages et les douars. Les bibliothèques peuvent jouer le rôle de catalyseur et d'espace de formation de l'élite. L'option envisagée est la suppression des taxes, ce qui fera baisser les prix et encouragera les jeunes à acheter. L'ouverture des librairies dans la soirée permettra aux jeunes de passer un temps agréable à se cultiver et à éveiller leur conscience. enfin, une «vérité à ne pas cacher», soulignent les libraires interrogés, les filles achètent aujourd'hui des livres plus que les garçons. Cela s'explique par le fait que le livre est considéré par la femme comme un atout pour s'émanciper et être indépendante. Les garçons préfèrent davantage le multimédia et les activités sportives.