Les spécialistes ont salué l'initiative des pouvoirs publics d'augmenter la taxe sur le tabac de 10%, affirmant que «c'est un pas en avant sur un long chemin dans la lutte contre le tabagisme qui représente une menace réelle sur la santé publique». Cette démarche figure, selon eux, parmi les approches rentables et capables de limiter le nombre de nouveaux fumeurs, de réduire l'exposition au tabagisme passif ou encore de favoriser le sevrage de nombreux fumeurs. Pour le chef de service maladies cardio-vasculaires au CHU Nafissa-Hamoud (ex-Parnet), le Pr Djamel Eddine Nibouche, qui s'est félicité de l'initiative, cette démarche «doit être accompagnée» de mesures préventives et dissuasives notamment l'application des lois portant interdiction de fumer dans les lieux publics. «Des augmentations de la taxe sur le tabac ont été adoptées dans plusieurs pays mais n'ont pas donné de résultats palpables sur le long terme», fait remarquer le praticien ajoutant que le recul du taux de consommation s'est limité aux premiers mois de l'entrée en vigueur de ces décisions. Les pays à faible et moyen revenu ayant imposé une taxe de 10% sur la tabac n'ont enregistré qu'une baisse de 5% de la consommation, a-t-il étayé. Pour un plus grand impact de cette mesure, le Pr Nibouche propose une augmentation de cette taxe à 20% sans toutefois négliger l'aspect prévention. Il s'agit, selon lui, de «faire obligation» aux entreprises de production de tabac à prendre en charge les malades présentant des affections liées au tabagisme. Pour sa part, le chef de service médecine interne au CHU de Sétif, Rachid Malek, a appelé au renforcement de la prévention en matière de lutte contre le tabagisme à travers des stratégies associant plusieurs secteurs et la mise en œuvre des lois promulguées à cet effet. Une évaluation des résultats de l'imposition de cette taxe pour déterminer son efficience est nécessaire à son avis. De son côté, le Pr Lahbib Douaghi, chef de service de pneumo-phtisiologie au CHU Hassani-Issaad de Beni Messous (Alger), soutient que l'augmentation de la taxe, qui se répercutera sans doute sur le prix du paquet de cigarettes est de nature à réduire le niveau d'addiction à ce produit nocif. La multiplication des actions de prévention et de sensibilisation notamment en milieu juvénile constitue le meilleur moyen de réduire la «propagation de ce poison» et préserver la santé des générations d'aujourd'hui et de demain, recommande-t-il. Le tabac est à l'origine de 9 cancers sur 10 Mustapha Moussaoui, membre de l'association El Badr d'aide aux cancéreux de la wilaya de Blida, a affirmé, par ailleurs, que le tabac était à l'origine de 9 cancers sur 10, notamment le cancer des poumons avec 15 000 cas par an sur un total de 50 000 nouveaux cas de cancer enregistrés en Algérie. Pour lui, l'augmentation de la taxe sur le tabac doit être assortie de campagnes de prévention et de sensibilisation et de mesures interdisant la vente de cigarettes par unité. Ce procédé encourage, selon lui, le client à fumer quel que soit le prix du paquet de cigarettes. Il a souligné, par ailleurs, la nécessité de doter les centres de sevrage tabagique de spécialistes et de former le corps paramédical travaillant dans ces centres. Pour sa part, la sous-directrice de la prévention au ministère de la Santé, Djamila Nedir, a souligné les objectifs de la stratégie nationale de lutte contre les facteurs de risques de maladies chroniques (2015-2019), notamment la lutte contre le tabagisme conformément à la convention-cadre de l'OMS pour la lutte anti-tabac, ratifiée par l'Algérie en 2006. La même responsable a déploré la non application des lois interdisant le tabagisme dans les lieux publics mettant en avant les efforts du ministère de la Santé pour l'élargissement des centres de sevrage tabagique à travers le territoire national et la mise en place de systèmes de contrôle afin de recenser le nombre exact de fumeurs en Algérie. La responsable a rappelé que la décision d'augmenter la taxe sur le tabac faisait suite aux mises en garde pressantes des spécialistes de la santé formant le vœu que les recettes de cet impôt soient versées au fonds de prise en charge du cancer. Elle a appelé en outre le ministère du Commerce à appliquer la mesure contenue dans la stratégie nationale de lutte contre les facteurs de risques de maladies chroniques et portant interdiction de vente ou de publicité sur le tabac dans les kiosques.