Le tabac n'est pas un produit comme les autres. C'est le seul produit de consommation courante à être responsable du décès de la moitié de ses consommateurs réguliers. Responsable de 90 % des cancers du poumon et de 60 000 décès par an, le tabagisme est la première cause de mortalité évitable. Si rien n'est fait, le nombre de victimes pourrait se doubler en prévision des années prochaines. Face à ce problème de santé publique, de nombreux acteurs administratifs, associatifs, médicaux ou éducatifs se mobilisent à travers différents plans de lutte et campagnes d'information. L'augmentation de la taxe sur le tabac de 10%, prévue par la loi de finances 2015, constitue "un pas en avant" dans la lutte contre le tabagisme mais un long chemin reste encore à parcourir avant de pouvoir juguler ce fléau qui est la cause principale de décès pouvant être prévenus dans le monde, estiment les spécialistes. Saluant cette démarche qui figure, selon eux, parmi les approches rentables et capables de limiter le nombre de nouveaux fumeurs, de réduire l'exposition au tabagisme passif ou encore de favoriser le sevrage de nombreux fumeurs, des spécialistes considèrent qu'elle constitue un petit sur un long chemin dans la lutte contre la tabagisme qui représente une menace réelle sur la santé publique. Pour le chef de service des maladies cardio-vasculaires au CHU Nafissa Hamoud (ex-Parnet), Pr Djamel Eddine Nibouche qui s'est félicité de l'initiative, cette démarche "doit être accompagnée" de mesures préventives et dissuasives notamment l'application des lois portant interdiction de fumer dans les lieux publics. "Des augmentations de la taxe sur le tabac ont été adoptées dans plusieurs pays mais n'ont pas donné de résultats palpables sur le long terme", fait remarquer le praticien ajoutant que le recul du taux de consommation s'est limité aux premiers mois de l'entrée en vigueur de ces décisions. Les pays à faible et moyen revenu ayant imposé une taxe de 10% sur le tabac n'ont enregistré qu'une baisse de 5% de la consommation, a-t-il étayé. Pour un plus grand impact de cette mesure, Pr Nibouche propose une augmentation de cette taxe à 20% sans toutefois négliger l'aspect prévention. Il s'agit selon lui de "faire obligation" aux entreprises de production de tabac à prendre en charge les malades présentant des affections liées au tabagisme. Pour sa part, le chef de service médecine interne au CHU de Sétif, Rachid Malek, a appelé au renforcement de la prévention en matière de lutte contre le tabagisme à travers des stratégies associant plusieurs secteurs et la mise en oeuvre des lois promulguées à cet effet. Une évaluation des résultats de l'imposition de cette taxe pour déterminer son efficience est nécessaire à son avis. De son côté, Pr Lahbib Douaghi, chef de service de pneumo-phtisiologie au CHU Hassani Issaad de Beni Messous (Alger), soutient que l'augmentation de la taxe, qui se répercutera sans doute sur le prix du paquet de cigarette est de nature à réduire le niveau d'addiction à ce produit nocif. La multiplication des actions de prévention et de sensibilisation notamment en milieu juvénile constitue le meilleur moyen de réduire la "propagation de ce poison" et préserver la santé des générations d'aujourd'hui et de demain, recommande-t-il.
Renforcement de la prévention contre le tabagisme dans le cadre d'une stratégie nationale La sous-directrice de la prévention au ministère de la Santé Djamila Nedir a, pour sa part, souligné les objectifs de la stratégie nationale de lutte contre les facteurs de risques de maladies chroniques (2015-2019) notamment la lutte contre le tabagisme conformément à la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte anti-tabac, ratifiée par l'Algérie en 2006. La même responsable a déploré la non application des lois interdisant le tabagisme dans les lieux publics mettant en avant les efforts du ministère de la Santé pour l'élargissement des centres de sevrage tabagique à travers le territoire national et la mise en place de systèmes de contrôle afin de recenser le nombre exact de fumeurs en Algérie. La responsable a rappelé que la décision d'augmenter la taxe sur le tabac faisait suite aux mises en garde pressantes des spécialistes de la santé formant le voeu que les recettes de cet impôt soient versées au fonds de prise en charge du cancer. Elle a appelé en outre le ministère du Commerce à appliquer la mesure contenue dans la stratégie nationale de lutte contre les facteurs de risques de maladies chroniques et portant interdiction de vente ou de publicité sur le tabac dans les kiosques. Mustapha Moussaoui, membre à l'association El Badr d'aide aux cancéreux de la wilaya de Blida, a affirmé, par ailleurs, que le tabac était à l'origine de 9 cancers sur 10, notamment le cancer des poumons avec 15000 cas par an sur un total de 50000 nouveaux cas de cancer enregistrés en Algérie. Pour lui, l'augmentation de la taxe sur le tabac doit être assortie de campagnes de prévention et de sensibilisation et de mesures interdisant la vente de cigarettes par unité. Ce procédé encourage, selon lui, le client à fumer quel que soit le prix du paquet de cigarettes. Il a souligné, par ailleurs, la nécessité de doter les centres de sevrage tabagique de spécialistes et de former le corps paramédical travaillant dans ces centres. Le président de la commission des finances à l'Assemblée populaire nationale (APN), Benrabah Zenbar, a quant à lui affirmé que la hausse de 10% de la taxe sur le tabac dans la nouvelle loi de finances s'inscrivait dans le cadre des efforts et des mesures préventives de l'Etat, préconisant la mise en place de méthodes pédagogiques idoines à même d'encourager le citoyen à arrêter de fumer. Le Pr Zitouni qui a été chargé par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika du suivi et de l'évaluation du plan national de lutte contre le cancer 2015-2019 avait annoncé en présentant le plan lors d'une journée parlementaire au Conseil de la nation que la lutte antitabac figurait parmi les axes fondamentaux de prévention contre le cancer et les maladies non transmissibles.