Le phénomène des cours de soutien qui fait rage en Algérie depuis plusieurs années a été abordé par le ministre de l'Education nationale lors de la conférence nationale des directeurs de l'éducation des 48 wilayas. M. Benbouzid, indigné par l'étendue et la dangerosité de ce phénomène, estime qu'il est temps de l'éradiquer définitivement du secteur éducatif algérien. Il s'agit, en prime, des cours de soutien payants dispensés aux élèves du cycle primaire au sein des établissements scolaires. Le ministre a annoncé, à cet effet, l'élaboration d'un décret exécutif interdisant formellement cette pratique et prévoyant des sanctions sévères contre les réfractaires. Il affirme, en outre, que dès la prochaine rentrée scolaire, un programme sera élaboré, en collaboration avec les walis et les directeurs de l'éducation à travers le pays, pour renforcer et généraliser les cours de soutien gratuits. Et d'insister sur la nécessité de «casser le monopole des cours particuliers payants» qui prend des proportions alarmantes à travers tout le territoire national, particulièrement dans les grandes villes. De nombreux parents d'élèves se plaignent du fait que les enseignants «obligent indirectement» leurs enfants à s'inscrire à leurs cours particuliers, dispensés pour la plupart au domicile de l'instituteur. Linda, fonctionnaire et mère d'une fille en 5e année primaire, estime que les cours de soutien sont devenus plus une mode qu'une nécessité réelle : «Ma fille m'a tellement harcelée pour lui payer ces cours particuliers, bien qu'elle n'en ait pas vraiment besoin, que j'ai fini par céder. J'ai compris par la suite que son enseignante privilégiait et même pistonnait les élèves qui s'inscrivaient à ses cours et négligeait les autres.» D'autres parents dénoncent notamment les prix pratiqués par les enseignants dispensant ces cours supplémentaires. Ces prix varient entre 1000 et 3000 da par mois et par élève, ce qui revient à ponctionner près de 10% du salaire d'un parent moyen. Nadia, femme au foyer et mère d'un garçon en 4e année qui souffre de lacunes en langue française, affirme avoir été contrainte de l'inscrire à des cours particuliers dispensés par son propre enseignant :«Non seulement cet enseignant dispense ces cours dans une chambre étroite de son domicile, mais il s'avère aussi qu'il n'y a aucune différence entre les cours donnés en classe et ceux dits de soutien !» Samia, enseignante en cycle primaire et mère de trois enfants dont deux au lycée, affirme pour sa part que tous les enseignants qui dispensent des cours particuliers ne sont pas des tricheurs. «Je touche 28 000 da par mois, mon mari est chômeur et j'ai trois enfants qui ont besoin de beaucoup de choses. Je dispense des cours particuliers en arabe et en mathématiques aux élèves des 3e et 5e années et je ne prends pas plus de 5 élèves par groupe. Je demande 600 DA par mois pour les premiers et 1000 DA pour les seconds.» Malika, mère de l'un de ces élèves et enseignante au lycée, estime qu'au lieu d'interdire les cours particuliers, il aurait mieux valu analyser les raisons de ce phénomène : «L'enseignement n'est pas une partie de plaisir et si un enseignant dispense des cours particuliers, ce n'est pas pour soutirer de l'argent aux parents, mais tout simplement pour arrondir ses fins de mois. Avant de mener une campagne de dénigrement contre les enseignants, pourquoi ne pas leur offrir un salaire digne de leur métier ? A ce moment-là, croyez-moi, aucun instituteur ne sera assez masochiste pour proposer des cours particuliers !»