Il est neuf heures ce jeudi à Batna. Avant de nous installer à l'hôtel Imaghrassen, en face de la chaîne de montagnes des Aurès, nous entamons notre voyage entre les wilayas de Khenchela et Batna. La wilaya de Batna a été la semaine passée un lieu de rencontre entre les jeunes participant à la caravane de la mémoire organisée par le ministère de la Jeunesse et les anciens maquisards. Nous devions passer par différents sites touristiques et rencontrer des personnalités historiques de la wilaya de Batna. Parcourant un trajet de 100 kilomètres, nous sommes passés par le site historique le plus connu de la wilaya de Batna, le tombeau de l'un des derniers rois numides, Imaghrassen. C'est un gigantesque mausolée qui remonte au troisième siècle avant Jésus-Christ. Bien que située au milieu de champs arides et abandonnés, cette œuvre témoigne de l'ancienneté de cette contrée. Les jeunes participants à la caravane venus de quarante-huit wilayas affichaient un grand intérêt à cette manifestation qui se voulait être une occasion de découvrir les richesses de l'Algérie. Des groupes de jeunes lycéens déplorent le fait que ce tombeau témoin de la mémoire collective des Algériens soit complètement inconnu de la majorité des jeunes, tout en lançant un appel aux responsables concernés afin de multiplier les efforts pour organiser d'autres manifestations en faveur de la jeune génération et renouer avec l'histoire de l'Algérie. A environ 20 km de Batna, nous avons visité un camp de concentration construit par les autorités françaises durant la guerre de Libération. Ce centre de torture des moudjahidine et des populations locales durant la période coloniale est devenu un lieu historique et touristique. Il constitue une pièce à conviction sur les atrocités et les dépassements injustifiables commis par l'armée française à l'encontre du peuple algérien démuni de moyens de défense. Grâce à la présence de certains moudjahidine et personnalités locales sur les lieux, nous avons pu avoir quelques détails sur l'histoire de la Révolution et le rôle qu'a joué la Wilaya I avant et durant le déclenchement de la Révolution algérienne. Kimel : l'un des premiers fiefs de la résistance algérienne Arrivés à la commune de Kimel, petite localité sise entre les wilayas de Khenchela et Batna, nous avons marqué un arrêt dans le musée historique de cette commune. Au niveau de ce musée très petit, nous avons rencontré des moudjahidine de cette région qui se souviennent amèrement d'une période cruciale du peuple algérien. Nous avons interrogé le responsable de ce musée sur la possibilité de trouver une grande parcelle pour la construction d'un nouveau musée digne de cette région ; il nous a confirmé qu'un nouveau musée est en voie de réalisation. Des débris d'avions militaires de l'armée française, des armes des premiers maquisards ainsi que des photos de responsables militaires de la wilaya I et des groupes de l'ALN sont exposés au sein du petit musée. L'un des moudjahidine a fait savoir que c'est au niveau de la région de Kimel qu'a été composée la première cellule du FLN qui avait pour rôle de mettre en contact les dirigeants de l'intérieur et ceux de l'extérieur. Il ajoutera que pratiquement tous les chefs des wilayas historiques se sont réunis au niveau de la commune bien avant la prise de décision du déclenchement de l'action armée. Devant une grande foule composée de jeunes et de journalistes, cet ancien maquisard se souvient de la barbarie des autorités françaises, indiquant que des villages entiers ont été bombardés et que des dizaines de femmes et enfants sont morts de maladies. Il se souvient qu'entre 1954 et 1957, la région de Kimel a été réduite en cendres à cause du système de guérilla utilisé par les moudjahidine contre les soldats français. Lors de notre arrivée à Khenchela, nous avons rencontré Mohamed Laïd Lakhdar, professeur d'histoire à l'université de Batna, président de l'Association culturelle de la recherche. Il était parmi les premiers étudiants envoyés par le président défunt Houari Boumèdiene à Damas en 1968. Cet universitaire a indiqué que ces manifestations devraient avoir des objectifs à long terme. Pour lui, l'enseignement de l'histoire est une voie idéale pour la conscientisation de la nouvelle génération qui ignore malheureusement beaucoup de son histoire. Si l'enseignement de cette matière constitue le noyau de la réussite de plusieurs pays, notamment européens, le professeur a estimé que toute vérité ne doit pas être dite à chaud, soulignant que le silence de certains responsables sur quelques vérités historiques est d'une grande sagesse. Cet ancien diplômé de l'université de Damas a dit que la Wilaya I historique a contribué amplement au plan organisationnel de la guerre de Libération. Durant le premier mois de la Révolution, 74 chouhada sont tombés au champ d'honneur dans la wilaya de Batna, a fait savoir M. Laïd Lakhdar, qui a révélé que la région comptait 350 moudjahidine dès le déclenchement de la guerre. En arabe purement académique, M. Laïd Lakhdar a souligné que les pays membres de l'Otan ont pris contact avec des responsables militaires français en les prévenant de ne pas continuer à affronter les groupes de l'ALN car ils connaissent mieux la région dont les montagnes sont rocheuses et le climat dur. Si cette région est historiquement très riche et représente une mémoire nationale, il est du devoir des responsables locaux et nationaux de prendre en charge les habitants qui souffrent encore du manque de plusieurs commodités de la vie. Tout visiteur qui se rend dans cette région remarquera facilement que de vastes terrains agricoles sont abandonnés, que des familles vivent dans habitations précaires alors que leurs parents et grands-parents se sont engagés durant la guerre de Libération pour que leur progéniture vive en liberté et dans l'aisance.