Entre scepticisme des clients et assurances des banquiers qui défendent leur métier, l'utilisation du chèque, devenue obligatoire depuis juillet dernier pour les grandes transactions commerciales, ne connaît pas encore son rythme de croisière. Le payement en espèces reste le moyen préféré des Algériens. «La majorité des gens est habituée au règlement en espèces», ont reconnu des professionnels, dont des banquiers, notaires, agents immobiliers et concessionnaires automobiles. En vigueur depuis juillet dernier, un décret exécutif stipule, en effet, que les transactions doivent être effectuées par les moyens de paiement scripturaux pour l'achat d'un bien immobilier égal ou supérieur à cinq millions DA, et pour l'achat d'un véhicule neuf, d'un équipement industriel neuf, d'un yacht ou d'un bateau de plaisance, de biens de valeur auprès des marchands de pierres et métaux précieux pour un montant égal ou supérieur à un million DA. Mais cette obligation dépendrait d'une condition incontournable : la refonte de la relation banque-citoyens pour une plus grande confiance des Algériens dans leur système bancaire, estiment la plupart des professionnels approchés par l'APS. Avec le manque de confiance en le système bancaire, l'absence de culture d'utilisation du chèque, le refus d'ouvrir des comptes bancaires, il n'est pas possible pour l'heure d'obliger les gens à utiliser le chèque. Dans le domaine de l'immobilier, dans le commerce, les gens évitent l'utilisation du chèque, prétextant les lenteurs au niveau des banques. Un notaire a estimé qu'une application quelque peu «brusque» de cette mesure amènerait les gens à chercher des «brèches» pour tenter de contourner la loi en inscrivant auprès du notaire, par exemple, une transaction immobilière au titre d'une opération de don, alors que son règlement se fait «au noir» entre le vendeur et l'acheteur. Mais, pense un autre notaire, «les gens finiront par comprendre que c'est un moyen de paiement plus sécurisé que le cash». Du côté des concessionnaires de véhicules, une certaine réticence des clients par rapport au chèque a été relevée. «Nous avons eu des gens venus pour acheter mais qui ont fait marche arrière car ne possédant pas de compte bancaire», souligne la responsable de vente d'un concessionnaire européen. Des lenteurs bancaires Les lenteurs des procédures bancaires ont été mises en avant par un autre concessionnaire d'une marque asiatique. Celui-ci a fait remarquer, en effet, qu'il faut attendre «4 à 5 jours pour encaisser un chèque bancaire et jusqu'à 20 jours pour encaisser un chèque postal». Le président de l'Association des concessionnaires automobiles algériens (AC2A), Sofiane Hasnaoui, considère que c'est le délai de traitement bancaire qui pose problème. «Les banques mettent trois jours pour traiter un chèque et sept jours pour un virement. C'est beaucoup et cela nous empêche de respecter le délai maximum exigé pour la livraison des voitures, à savoir sept jours», relève-t-il, en souhaitant de voir le traitement bancaire des chèques écourté à 24 heures ou à 48 heures au maximum. Interrogés sur la nouvelle mesure du chèque obligatoire et l'indécision d'usagers potentiels, plusieurs représentants d'agences bancaires se sont montrés rassurants quant à «la sécurité, l'efficacité et la rapidité» des règlements des moyens de paiement scripturaux. «C'est vrai que beaucoup d'Algériens se détournent du traitement par chèque de peur de se retrouver avec un chèque sans provision ou redoutent un traitement trop lent, mais ces craintes sont injustifiées. Cependant, la nouvelle mesure ne s'est pas encore traduite par une augmentation d'ouverture de comptes bancaires». La plupart des agences bancaires observent en effet que depuis le 1er juillet, il n'a été enregistré aucune hausse particulière.