Au premier jour de la mise en application de la mesure instaurant l'obligation de paiement par chèque pour les transactions commerciales générant d'importantes sommes d'argent, des responsables d'agences bancaires, sur la place d'Alger, ont dit être prêts à se conformer à une telle procédure, bien qu'elle ne soit pas étrange à leurs méthodes de travail. Chez la Banque de l'agriculture et du développement rural (BADR), les choses semblent se dérouler le plus normalement du monde et l'entrée en vigueur de la mesure en question n'a en rien changé dans le travail quotidien des employés, ni dans l'affluence de la clientèle. La grande agence du boulevard Colonel Amirouche en est un exemple. Son directeur déclare : «La banque s'est familiarisée avec cette pratique depuis bien longtemps, sans qu'il y ait un quelconque décret. Maintenant qu'il s'agit d'une obligation instaurée par décret, nous nous devons de la respecter et de veiller à faciliter son application, d'autant qu'elle concerne des sommes d'argent importantes.» Il faut préciser que le décret, mis en application hier, concerne les transactions immobilières dont le montant est égal ou supérieur à 5 millions de dinars et les transactions automobiles d'un million de dinars ou plus. «L'orthodoxie bancaire est, à l'origine, contre les moyens de paiement non scripturaux. Nous ne pouvons que nous réjouir de la mise en application d'une telle mesure», nous dit encore le même banquier. Pour lui, «il faut encourager non seulement l'utilisation du chèque, mais aussi le paiement par carte bancaire pour limiter et diminuer au maximum la circulation fiduciaire». Sur le même boulevard, une autre banque, Société Générale Algérie (SGA), ne désemplit pas. Des clients attendent leur tour pour passer au guichet ou à la caisse, signe d'une activité dynamique qui n'a, bien entendu, aucun rapport avec l'entrée en vigueur de la nouvelle mesure décidée par le ministère des Finances. «Nous travaillons toujours à ce rythme, et concernant cette nouvelle mesure nous ne l'avons apprise qu'à travers les médias. Les banques sont parties prenantes dans les opérations de transaction commerciale, surtout quand il s'agit de grandes sommes. Mais à ce jour, nous n'avons reçu aucune note ou autre document expliquant le décret», nous dit le directeur de l'agence SGA. Pour lui, une pareille décision a été prise «avec un peu de précipitation», en ce sens qu'il fallait prendre le temps de s'assurer de sa réussite, et ne pas tomber dans l'erreur de l'annuler, comme cela a été le cas il y a quelques années. Il faut rappeler que les pouvoirs publics avaient déjà tenté d'instaurer, à deux reprises, une mesure similaire durant les dernières années, en vain. «Dans les économies développées, l'utilisation du chèque est une pratique ordinaire. Il se trouve qu'en Algérie, la sphère de l'informel – qui contrôle des segments importants de l'économie – n'a pas confiance et utilise le cash au lieu de la monnaie scripturale», témoigne un client au sortir de la banque. C'est la raison pour laquelle certains observateur de la place financière appellent à instaurer «la culture» du chèque avant d'imposer son utilisation. C'est ce dont atteste, d'ailleurs, le directeur d'une agence BNP Paribas, sise à la rue Didouche Mourad : «Nous faisons toujours en sorte que nos clients aient recours à l'utilisation du chèque sans qu'il y ait une quelconque contrainte. Nous les encourageons à le faire, même si certains pensent que l'obligation de paiement par chèque conduira à des lenteurs dans les transactions commerciales.» Et de conclure qu'il faudrait «attendre plusieurs mois pour évaluer l'impact de cette mesure sur le marché, les établissements financier, mais aussi sur le comportement des citoyens avec les moyens de paiement scripturaux».