L'info n'a connu ni pause ni congé cet été, et pour cause, elle ne s'arrête jamais. Elle n'a cessé de nous tarabuster, de nous interpeller avec la chute des cours du pétrole qui met notre pays sur des charbons ardents. On est sur les dents et pas que… Mais, jeudi en cours de journée, une image venue d'ailleurs a fait «tilt» aux cœurs et aux âmes qui peinent à donner une forme concrète à l'humanitaire. L'image parle d'elle-même, éloquente, émouvante puis choquante. Un enfant de 3 ans à peine, inerte, face contre terre, gisant au bord de l'eau méditerranéenne, sous les yeux d'un policier. Le cliché, pris sur une plage de Bodrum, une station balnéaire turque, s'est propagé comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, avant d'enflammer les unes des titres de la presse européenne jeudi. La photo, qui illustre le drame de la crise des migrants, a-t-elle bousculé la prise de décision en faveur d'une révision de la politique migratoire européenne ? Fallait-il la publication de cette photo d'un enfant mort pour que les dirigeants européens prennent la mesure du drame migratoire à bras-le-corps ? Pas sûr, malgré les réactions de David Cameron, d'Angela Merkel ou de François Hollande. En fait, c'est une prise de mauvaise conscience et l'Europe, qui a fait tant de mal durant des siècles hors de ses frontières, se retrouve face à ses démons avec cette image de la honte ! En Libye, en Syrie et en bien d'autres lieux encore, les «leçons de démocratie et de bonne gouvernance» à l'occidentale ont aujourd'hui un goût rance, celui de la mauvaise conscience. En 1972 déjà, durant la guerre du Vietnam, les images d'enfants fuyant leur village bombardé au napalm avaient fait le tour du monde malgré des TIC à peine en devenir. Mais l'on se souvient encore de la fillette de 9 ans, hurlant de douleur, entièrement nue, après avoir retiré ses vêtements en flammes. Vingt et un ans plus tard, en 1993, c'est la photo d'un enfant soudanais squelettique, guetté par un vautour, qui a ému, qui a montré, en une image, l'horreur de la guerre civile et de la famine au Soudan. Ces photos ont illustré une problématique à travers le visage d'un enfant, elles l'ont universalisée. Des débats sur des plateaux télé, des articles de journaux et l'info se tournait vers autre chose, à l'époque où l'Algérie vivait dans la douleur son terrorisme, sa crise sociale et ce, dans l'indifférence… Aujourd'hui, cette autre chose revient cruelle et incontournable ! L'enfant est le symbole du conflit syrien qu'il a subi avant de mourir, face à terre, sous les yeux hagards d'un policier étranger. Ce policier, humain parmi les humains, s'est-il dit : «Cet enfant pourrait être le mien» ? Le petit Syrien, Aylan Kurdi de son nom, représente tous les migrants qui tentent de rallier l'Europe au péril de leur vie. Le policier, quant à lui, incarne l'Union européenne et l'échec de sa politique migratoire. Tout ça, rien que par le biais d'une image. L'image enfonce le clou de l'ordre moral européen, et, ne pouvait laisser indifférent un «arrêt sur image», bien de chez nous...