L'Algérie subit de plein fouet la chute des cours des hydrocarbures sur le marché mondial. Une chute qui fait courir au pays le risque immédiat d'une crise économique et sociale, selon l'ancien chef du gouvernement, Ahmed Benbitour, qui annonce que de par son budget, le pays pourra tenir uniquement deux années. Invité hier au forum du journal Liberté, Ahmed Benbitour prédit un avenir économique «désastreux» pour le pays, expliquant que nous sommes dans une trajectoire rapide d'épuisement des réserves financières. Pour étayer ses propos, il indique que le Fonds de régulation de recettes (FRR) ne peut pas couvrir le déficit budgétaire causé par le recul des recettes des hydrocarbures qui constituent 98 % des exportations du pays. «Le déficit avoisine les 30 milliards de dollars, un montant que le Fonds de régulation (établi à 175 milliards de dollars en 2014) ne peut combler pendant plus de 5 ans», a-t-il précisé. Ahmed Benbitour pense que la dévaluation «à titre nominal du dinar pour réduire le coût des importations n'est qu'une illusion», car «cette mesure donne l'impression d'importer plus à moindre prix». «C'est faux», juge-t-il, non sans préciser que «ce qu'on importe de l'étranger nous le payons toujours en dollars et au même prix». Les difficultés vont commencer à partir du moment où les équilibres budgétaires ne seront plus garantis, ce qui induira, selon lui, une réduction des transferts sociaux à laquelle s'ajoute la baisse du pouvoir d'achat des salariés à cause de l'inflation. Interrogé sur l'éventualité de recourir à l'endettement extérieur, l'intervenant indique que cette option n'est pas possible, dans la mesure où l'Algérie ne sera pas en mesure de garantir sa capacité de rembourser en devises. Outre les menaces intérieures, l'Algérie fait face, selon l'ex-Premier ministre et actuel membre de la CLTD, à d'autres menaces extérieures dont la «globalisation». «Cette dernière vise à éliminer des Etats nations notamment par l'effondrement des cours du pétrole et du gaz, l'émergence de crises multidimensionnelles et une forte possibilité de passage des politiques populistes à des politiques de pouvoir», a alerté Benbitour. Les initiateurs de la «globalisation» et ceux qui en tirent profit encouragent le passage de clivages idéologiques basés sur le dialogue à des clivages identitaires dépourvus de dialogue comme cela se produit actuellement en Libye. Pour cet ancien chef de gouvernement, les nouvelles technologies sont une lame à double tranchant car d'un côté, elles créent des opportunités de progrès et d'un autre côté elles contribuent au contrôle à la fois des Etats, des populations et des économies. Pour y faire face, l'Algérie doit, a-t-il dit, établir une stratégie pour exploiter ce qu'il reste de l'opulence financière acquise au cours des dernières années, de lancer un processus d'investissement rentable et faire appel aux compétences nationales établies en Algérie ou à l'étranger. Le pays doit également, selon les recommandations de Benbitour, «mettre en place un nouveau système de gouvernance, lancer une période de transition et construire une culture politique fondée sur lepluralisme et le dialogue».