Les nouvelles dispositions prévues dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2015, visant à assouplir les procédures de paiement de cotisations annuelles auprès de la Caisse nationale de sécurité sociale des non-salariés (Casnos), commencent à donner leurs fruits. Le directeur général de la Caisse, Acheuk Youcef Chawki, explique dans cet entretien que d'autres mesures seront appliquées à l'avenir pour inciter notamment les commerçants de l'informel et les agriculteurs à s'affilier à la Casnos. Il a révélé que des chefs de grandes entreprises, des avocats, des médecins privés entre autres ne payent pas leurs cotisations annuelles. Pourtant, leurs cotisations sont parfois inférieures à celles des salariés des entreprises. Le Temps d'Algérie : quel bilan faites-vous après la mise en œuvre des nouvelles mesures portant notamment sur l'exonération des majorations et des pénalités de retard dans le paiement des cotisations ? Acheuk Youcef Chawki : l'entrée en vigueur de ces dispositions a commencé le 15 août dernier, coïncidant avec la saison estivale d'où les résultats timides enregistrés. L'opération s'achèvera fin mars 2016. Après cette date, la Caisse déploiera des moyens de coercition pour faire appliquer la loi. Mais à présent, nous commençons à enregistrer des résultats. En une semaine, la Caisse a noté 18 000 nouveaux affiliés. 20 000 adhérents se sont également présentés pour payer leurs cotisations et bénéficier de l'effacement des pénalités de retard pour non-paiement des précédentes cotisations annuelles. Le montant de ces pénalités effacées s'élève à 280 millions de dinars. Nous avons opté pour l'effacement des pénalités afin d'intéresser nos adhérents, car nous sommes persuadés que ces sommes sont irrécupérables. La Caisse est-elle suffisamment organisée et déployée à travers tout le pays ? La Casnos a été réorganisée. Elle est passée de directions régionales à des directions de wilaya, des antennes et des guichets de proximité, ce qui permettra un rapprochement des assurés sociaux. Il était impossible de gérer correctement à distance. Des wilayas ne pouvaient pas chapeauter d'autres régions distantes de 800 km. La réorganisation permettra donc d'entreprendre des actions de proximité et d'avoir une plus grande rigueur dans la gestion. Nous avons accompagné cette réorganisation par la formation du personnel. En 2015, un nombre de 900 employés de la Caisse a été formé et d'autres sessions pluriannuelles sont prévues à l'avenir. Ceci est la première phase de l'organisation. Pour la deuxième, partant du constat que nous avons un potentiel de trois millions de travailleurs non salariés dans les différentes branches d'activités, il a fallu donc mettre en œuvre certaines mesures pour les attirer. Il faudra rajouter les travailleurs dans l'informel qui sont évalués à environ 1,5 million de personnes qui doivent intégrer la Caisse obligatoirement. Quelles sont ces mesures ? La première a été introduite dans la loi de finances complémentaire 2015. Elle prévoit de lever les obstacles liés aux pénalités de retard. Les adhérents peuvent bénéficier d'une exonération totale des majorations et pénalités de retard suite au non-paiement des cotisations. Au regard des grands montants, ils ont cessé d'honorer leurs cotisations annuelles. La mesure de la LFC 2015 leur permet ainsi de payer le principal de l'année en cours et de bénéficier d'un calendrier pour leurs cotisations ultérieures sur un délai de deux à trois années, en tenant compte de leurs capacités financières. Une fois la totalité des précédentes cotisations payées, ils bénéficieront de l'effacement des pénalités et majorations de retard. L'autre avantage est prévu pour les moins de 55 ans. La LFC 2015 donne la possibilité de racheter des cotisations afin de permettre la régularisation tardive des cotisations dues, lorsque le débiteur est âgé de 55 ans et moins et en position d'actif. Ces personnes auront la possibilité de racheter autant d'années de cotisations qu'ils veulent et qui seront comptabilisées dans la retraite. Un nouveau décret serapar ailleurs publié prochainement pour permettre de lever toutes les contraintes. La Casnos ne demandera plus de bilan fiscal pour ses adhérents, car la caisse passe à un système déclaratif. Concernant les travailleurs de l'informel, il sera possible de les intégrer dans la sécurité sociale. L'intégration ne pourra se faire qu'à travers une démarche sociale, laquelle a été appliquée dans d'autres pays. Comment ? En leur offrant une couverture sociale, ceux qui activent dans l'informel seront intéressés par cette mesure, car ils pourront bénéficier de la carte Chiffa, des prestations médicales et d'une retraite. Pour les commerçants, nous avons constaté une contrainte pour les affilier. Des centaines de commerçants de l'informel ne possèdent pas de registre du commerce, car ils n'ont pas établi le bail de location exigé. Les locaux qu'ils occupent ne disposent pas de certificat de conformité et donc ils n'établissent pas de contrats de location. Il se trouve que 80% des biens immobiliers n'ont pas de certificat de conformité. Ce que nous préconisons, c'est de les intégrer dans le formel par le biais d'une couverture sociale. En se présentant à la Caisse, ils feront une déclaration d'activité qui leur permettra d'exercer légalement. Cette déclaration d'activité sera confirmée par la suite par les contrôleurs de la caisse qui établiront leurs rapports. Dans ce sens, nous avons fait une proposition au ministère du Commerce pour alléger les procédures de délivrance du registre du commerce. De cette manière, nous inversons la donne du fait que les commerçants de l'informel pourront se présenter aux services du CNRC en présentant des déclarations établies par la Casnos. Cet allègement de procédure que nous préconisons peut être étendu au CNRC. Les autres facilités prévues dans le nouveau décret concernent le plafonnement de l'assiette de la cotisation à 20 fois le SNMG contre 8 fois actuellement, ce qui permettra à l'adhérent d'augmenter ses cotisations et de bénéficier d'une pension de retraite. Il sera possible d'avoir une retraite de 200 000 DA, ce qui n'est pas négligeable. C'est une disposition phare que nous proposons. Quelles sont les autres facilités que prévoit le nouveau décret ? L'autre facilité concernera les délais de payement. Dorénavant, ils seront étalés sur plusieurs mois, alors qu'ils étaient limités au 31 mars. Ainsi, les agriculteurs auront un délai jusqu'au mois d'octobre pour payer leurs cotisations. Certaines filières, comme la datte, auront un délai plus avancé encore. Avec l'extension du réseau qui s'étend à travers tout le pays, il sera possible de répondre aux besoins de cette catégorie professionnelle active surtout dans les zones rurales. Nous avons engagé des discussions avec le ministère de l'Agriculture pour faire appel aux directions des services agricoles de wilaya et les chambres d'agriculture, la Caisse nationale de mutualité agricole ainsi qu'à l'Union nationale des paysans algériens pour se rapprocher davantage des agriculteurs. La cotisation de la Casnos n'est pas un impôt comme le perçoivent les adhérents mais plutôt un investissement, car il leur permet de bénéficier aussi des soins de santé dans les cliniques partenaires de la caisse dans les domaines de l'hémodialyse et de cardiologie, du transport sanitaire en plus de la pension de retraite. Ces avantages sont accordés aussi à leurs ayants droit.