Il y a neuf ans nous quittait Gilberto Pontecorvo, dit Gillo, ce personnage unique et homme de cinéma qui a marqué l'histoire du cinéma et celle des causes justes. Le 12 octobre 2006 restera gravé dans les esprits de ceux qui ont eu la chance de côtoyer ou de connaître ce grand homme de cinéma. En Algérie, où ce grand cinéaste avait marqué de sa griffe de maître l'un des chapitres les plus sensuels de la guerre de Libération nationale, on s'en souviendra… Pontecorvo fut l'homme qui a osé fourrer le doigt dans l'une des plaies restées ouvertes à nos jours : le traitement inhumain réservé aux militants nationalistes par les tortionnaires de l'armée coloniale. Sur les traces d'Henri Alleg, et sa «Question» publié en 1958, Gillo a su pénétrer le mythe de la valeureuse révolution de novembre, et particulièrement celui de la bataille la plus populaire qu'ait connue l'histoire de notre pays. Avec «La battaglia di Algeri», une œuvre de fiction tirée de la réalité qu'il réalisa avec la contribution de l'un des artisans de la fameuse bataille, Yacef Saâdi, Pontecorvo était parti au-delà des limites de la cinématographie. C'est en fait une œuvre mythique qui s'ajoute à un long palmarès assimilé à un parcours du combattant qui revient sur les sentiers escarpés, empruntés quelques années avant par les Djamel Chanderli et René Vautier, pour ne citer que ceux-là. Un homme de conviction… L'œuvre de ce mythique cinéaste est d'autant plus grande car constituée de plusieurs films dont la portée n'est pas à démontrer. Aux côtés de ses concitoyens italiens Pasolini, Fellini et le non moins célèbre Roberto Rossellini, Gillo n'était pas des moindres, car lui aussi n'a pas manqué de marquer par son empreinte le cinéma italien. A l'œuvre monumentale de «La bataille d'Alger» qu'il réalisa avec autant de conviction que de passion artistique, le militant de gauche qu'était Gillo Pontecorvo avait réalisé plusieurs longs métrages ayant fait son ascension fulgurante durant les années 1960 et même après. On cite «Kapo» (1960), «Queimada» (1969) «Ogro» (1979), des films qu'il a réalisés avec la contribution des vedettes du cinéma mondial, à l'instar, entre autres, d'Yves Montand et d'Alida Valli, qui n'est autre que l'interprète du célèbre «Senso» de Luchino Visconti. Ainsi, le maître Gilberto tirait sa révérence en laissant cette dose d'amertume dans nos cœurs, nous qui avons été bercés par les images créées par l'imaginaire de ce monument du cinéma et qui, en toute fidélité, avait rapporté une réalité que d'aucuns n'a osé dénoncer durant les années charnières de la guerre d'Algérie. Grâce à lui, le courage et la bravoure des moudjahidine et autres fidaîyine de la révolution de novembre étaient transmis à des millions de cinéphiles occidentaux qui découvrirent à travers cette œuvre monumentale les monstruosités ravageuses commises dans l'impunité par les tortionnaires de la force d'occupation. Son œuvre s'inscrit en droite ligne des objectifs tracés par les pionniers du cinéma à l'exemple de René Vautier, Ahmed Rachedi ou Mohammed Lakhdhar Hamina. Au même titre que ceux-ci, Gillo Pontecorvo mérite bien des égards. Son film «La bataille d'Alger», dont le premier coup de manivelle a été donné juste après l'indépendance du pays, reste le témoignage cinglant d'une réalité qui n'a pas manqué de scandaliser les consciences à travers les âges. Aussi, cette œuvre était l'une des premières ayant reçu une consécration internationale avec le lion de la Mostra de Venise en 1966, avant qu'elle ne serve de document de base pour les faucons de la maison-Blanche et du Pentagone américains après l'invasion de l'Irak. Ce film était ainsi présenté devant un parterre d'officiers d'état-major US en date du 27 août 2003, ce qui fera pour elle une seconde ascension fulgurante suite à sa distribution dans la quasi-totalité des Etats des USA pour récolter plus de 500 000 dollars US. Gillo a fait mieux qu'un politicien Tout cela contribue à hisser le sens de la considération qu'on doit à ce film qui, le moins qu'on puisse dire, avait porté la grandeur de la révolution algérienne au-delà des frontières et contribué à mettre sous les feux de la rampe toutes les exactions injustes commises à l'époque, et auxquelles les autorités françaises ne cessent de tourner le dos. Mieux que tout politicien suivant les chemins escarpés de l'intrigue et du jeu de diplomatie, Gillo Pontecorvo avait le mérite d'avoir démontré au monde entier que les déclarations des responsables de l'Elysée étaient loin d'avoir un fondement autre que celui du mensonge et de la fuite en avant. Lui, il n'y est pas allé par quatre chemins pour trancher et démontrer au monde entier que l'œuvre du colonialisme n'a rien de civilisationnel, comme on le prétend. Originaire de Pise en Italie, Gillo Pontecorvo est un enfant de riche négociant en tissus d'origine juive. Il était diplômé en chimie avant de s'orienter vers le journalisme qui le conduira par la suite dans le monde fantastique du 7e Art où il trouvera la vocation innée qui fera sa grandeur. Un riche palmarès s'ensuivra et le parcours de cinéaste de Pontecorvo est souvent assimilé à celui du militant convaincu des causes justes. Repose en paix, Gilberto, et merci pour tout ce que tu as fait pour notre pays.