Le film documentaire L'Algérie du possible, la révolution d'Yves Mathieu, dédié au parcours du militant anticolonialiste et avocat du Front de libération nationale (FLN) Yves Mathieu, de la réalisatrice Viviane Candas, fille du militant, a été projeté jeudi soir à Alger en avant-première mondiale. D'une durée de 90 mn, ce documentaire retrace le parcours d'Yves Mathieu, né à Annaba, qui a choisi de rester dans son pays, après l'Indépendance, pour participer à l'édification de l'Algérie indépendante. Mené comme un road movie sur les pas de son père, entrecoupé d'une multitude de témoignages de compagnons de route du militant dont le défunt président Ahmed Ben Bella, ce film revient longuement sur les grands projets de l'Etat algérien au lendemain de l'indépendance auquel Yves Mathieu et son épouse avaient pris part comme l'alphabétisation, le reboisement des zones bombardées au napalm par l'armée coloniale ou encore la mise en place d'un système de santé. Une grande partie du documentaire est consacrée à l'installation du système de l'autogestion des domaines agricoles promulgué par le président Ahmed Ben Bella en mars 1963 par un décret rédigé de la main d'Yves Mathieu, comme en témoignent des acteurs politiques de l'époque tels que Ahmed Bedjaoui, Mohamed Harbi ou Mourad Lamoudi. Ces mêmes témoins, en plus de quelques amis de la famille dont le directeur technique du Théâtre national algérien de l'époque, Jean Marie Boëglin, ont évoqué l'engagement indéfectible que vouait Yves Mathieu à la cause de la construction de l'Algérie indépendante tout en expliquant également les disfonctionnements qui ont causé l'échec des domaines autogérés. Le film revient également sur les visites de plusieurs figures anticolonialistes de l'époque à Alger faisant de l'Algérie le phare de toutes les révolutions et des mouvements de libération. Par la suite, la réalisatrice poursuit le parcours de son père après la prise du pouvoir par le président Houari Boumediène le 19 juin 1965 avec des images d'archives et des témoignages de cette journée après laquelle Yves Mathieu avait occupé un poste de professeur à l'institut de gestion et de planification et avait repris des études d'économie à l'université d'Alger avant d'ouvrir un cabinet d'avocats avec son épouse. Alors que beaucoup de ses compagnons avaient quitté l'Algérie ou étaient en détention, Yves Mathieu a continué à exercer son métier et la réalisatrice évoque, sans plus de détails, des «relations avec des officiers de l'armée à Constantine préparant une insurrection». Yves Mathieu est décédé le 15 mai 1966 dans un accident de la circulation, percuté par un camion militaire sur la route entre Constantine et Skikda. Viviane Candas est longuement revenu sur les circonstances de cet accident qui ont grandement motivé la réalisation de ce film qu'elle avait entamé en 2009. Comme pour regarder l'Algérie d'aujourd'hui à travers le parcours de son père, la réalisatrice illustre brièvement l'Algérie des années 1980 et 1990 vue, encore une fois, par des acteurs de la guerre de libération ou des politiciens des premières années de l'indépendance. Cette quête «encore inachevée» pour rétablir la vérité sur la mort de son père a conduit la réalisatrice a révélé un grand engagement pour la construction de l'Algérie indépendante d'un militant, du témoignage du militant et avocat du FLN Jacques Vergès disparu en 2013, «passionné qui ne laissait de place à la raison quand il embrassait une cause».