«Mes parents, avocats du FLN, étaient de ceux que l'on appelait les «pieds-rouges», ils se sont battus pour l'indépendance de l'Algérie. Je me suis dit, ce n'est pas possible, ils n'ont pas lutté comme ça pour qu'une gamine se fasse brûler vive!» Viviane Candas Décidément les liens entre l'Algérie et la France ne sont pas seulement qu'historiques ou culturels. Ils sont également génétiques. Une jeune réalisatrice française dont les parents ont soutenu la cause nationale durant la Guerre d'Algérie n'a pas trouvé mieux pour honorer leurs parcours que d'importer un fait divers algérien anodin pour le transposer dans une fiction française à Marseille. Le film de Viviane Candas, Le Voile brûlé, tourné à l'Estaque avec des acteurs marseillais a été présenté en avant-première cette semaine et n'a pas laissé indifférent. Le scénario de Le Voile brûlé raconte l'histoire d'un frère et d'une soeur, orphelins, dans une cité. La jeune femme est passionnée de théâtre, sa seule évasion dans un quotidien morose. Son frère, en proie à un endoctrinement religieux s'oppose à ce qu'elle pratique cette activité culturelle. Face à l'insistance de sa soeur, il lui accorde le droit de jouer, à condition de porter le voile. Mais un jour le public demande à la jeune femme d'ôter son voile. La réalisatrice, Viviane Candas, a écrit le scénario en s'inspirant d'un tragique fait divers survenu en Algérie en 1999, où une jeune fille de dix-sept ans avait été brûlée vive par son propre frère pour avoir désobéi en montant sur les planches. La réalisatrice, qui est obnubilée par cette histoire en a même fait un livre paru en 2004. Ce long métrage est une production à petit budget soutenue par la région Paca dans le sud de la France. Tourné à l'Estaque (un petit quartier à l'ouest de Marseille) durant seulement vingt jours, avec des acteurs amateurs d'origine comorienne, arabe et kabyle repérés par la réalisatrice. Seule l'actrice principale, Sonia Amori, et quelques jeunes du conservatoire de Marseille, sont des professionnels. Lors de l'avant-première à Marseille, le film a été violemment accueilli. On reproche comme d'habitude l'abondance des clichés anti-musulmans comme les «moustaches à la Hitler» portées par des Islamistes, un groupe de jeunes caïds dans le film qui imposent leur loi à l'ensemble du quartier. Des questions sont lancées dans l'assistance: «Pourquoi avez-vous réalisé un tel film, pourquoi avoir choisi ce fait divers? Et les cadres qui battent leurs femmes, ça, on n'en parle pas!». Spécialisée dans le cinéma de l'immigration, c'est le quatrième film de cette réalisatrice au parcours sans étincelle, elle avait déjà réalisé un court métrage en 2001 sur le voile, sans pouvoir attirer l'intérêt des producteurs et des critiques. Avec ce film elle tente le tout pour le tout. Le Voile brûlé sortira dans quelques salles d'art et d'essai à Paris et dans la région Paca. En septem-bre la réalisatrice prépare son prochain film, où il sera question du combat anticolonialiste de son père en Algérie. Un sujet d'actualité qu'elle aurait pu faire en premier avant de tomber dans le piège de la facilité. [email protected]