Après Renault, Peugeot, Fiat, un autre constructeur chinois a manifesté son intérêt pour le marché automobile algérien. Du coup, l'Algérie tend à devenir une future plateforme de l'industrie mécanique. Cependant, cet optimisme est loin d'être partagé. En effet, la vision vers le marché algérien de l'automobile change radicalement ces dernières années. Longtemps considéré comme un espace d'écoulement de marchandises attirant une multitude de marques, parfois pour des opérations d'importations occasionnelles, l'Algérie aspire désormais à devenir une future plateforme de l'industrie mécanique. Les projets annoncés depuis quelques mois par des constructeurs mondiaux, à l'exemple de Peugeot, de Fiat et probablement du chinois Faw, présagent-ils d'une possible renaissance industrielle ? Pour les experts avertis dans le domaine, la mise en place d'une industrie automobile peut entraîner un développement économique au sens large du terme. Contacté hier, le PDG du groupe Ival, Mohamed Baïri, porteur du projet de Fiat en Algérie, se dit confiant et serein quant aux perspectives de cette industrie naissante. L'élément central qui plaide pour cette projection, selon Baïri, l'attractivité du marché algérien, considéré comme l'un des meilleurs en Afrique. Le PDG d'Ival cite à ce propos l'Afrique du Sud qui dispose, à elle seule, d'un tissu industriel fort de 20 constructeurs automobiles. «Nous sommes bien placé pour attirer des marques internationales. Pour cela, il faudrait développer le secteur de la sous-traitance et investir dans la formation», a-t-il signalé, tout en confiant que «l'activité de l'importation des véhicules neufs a atteint ses limites et les ventes ne seront plus comme avant». Voulant freiner les importations, les pouvoirs publics ont revu le cahier des charges imposé aux concessionnaires, en introduisant des exigences draconiennes, et les taxes appliquées aux achats des nouvelles bagnoles. Ces mesures ont donné lieu à une hausse des prix dépassant les 20%, selon le président d'Ival. Une petite cylindrée (citadine) coûte plus de 1 million de dinars en Algérie. La chute de la valeur du dinar, et par conséquent du pouvoir d'achat, vient aussi compliquer la situation des distributeurs des différentes marques automobiles. D'où la baisse conséquente des ventes et la disparition carrément de certains concessionnaires. Les marques chinoises, italiennes et sud-coréennes ont d'ailleurs ressenti fortement ces mesures sur l'importation. A l'exception de Renault et à un degré moindre Peugeot, les autres concessionnaires sont contraints, a soutenu Baïri de revoir à l'avenir leur perception du marché algérien. La mise en place du crédit à la consommation éligible au produit local et les multiples facilités en matière d'investissement constituent, aux yeux de notre interlocuteur, des opportunités à saisir afin de maintenir sa place sur le marché algérien. Ces facteurs expliquent en partie l'empressement des constructeurs à venir s'installer en Algérie, tient à relever le patron d'Ival. Très optimiste, l'ex-président de l'Association des concessionnaires automobiles algériens (AC2A) va plus loin dans son propos quant au projet de développement de l'industrie automobile algérienne. «Avec l'installation du grand port du Centre, prévu à Cherchell, l'Algérie pourra même devenir une future zone d'exportation des véhicules neufs», a-t-il ajouté, affirmant que cet objectif est compris dans les négociations menées par les autorités algériennes avec les constructeurs. Réda Amrani : «Manque d'une vision stratégique» Ce challenge demeure difficile pour l'expert industriel Réda Amrani. Sollicité pour donner son avis sur les projets d'automobile annoncés en faveur de l'Algérie, il a relevé le manque «d'une vision stratégique» du secteur de l'industrie automobile. «Avant de se projeter dans le montage de voitures, on développe les usines de pièces détachées, de pneus, de caoutchouc, de verre et de fonderies. Dans le monde de l'automobile, il existe une dizaine d'équipementiers qu'il faudrait ramener en Algérie», a soutenu d'emblée cet expert ajoutant que «l'investissement dans le capital humain est primordial». Loin de remettre en cause les intentions des constructeurs, Réda Amrani relativise sur cet optimisme des autorités quant à la naissance de l'industrie automobile algérienne estimant que la concrétisation des projets annoncés nécessitera du temps et des moyens matériels et humains encore indisponibles» aujourd'hui. L'urgence est de mettre en place, recommande-t-il, un pôle de prospective et de planification avant toute création d'unités de montage.