La mesure annoncée comme «révolutionnaire» en fin de semaine dernière pour «sauver» les marges bénéficiaires des boulangers sans toucher au prix de la baguette n'en est pas une. La décision est prise. Les boulangers ne vont pas augmenter le prix de la baguette. A première vue, il s'agit bien ici d'une bonne nouvelle. Mais, quand on s'y approche, on tombe des nues. Certes, les boulangers s'émerveillent, ou du moins en partie. Car, comme l'a expliqué il y a quelques jours dans une déclaration à l'APS Djoudi Omar, vice-président de la section des boulangers de la wilaya d'Oran affiliée à l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), «ce nouveau produit, réalisé en collaboration avec les minoteries «Eriad» à base d'un mélange de farine de blé tendre, de blé dur et de son, s'avère d'une valeur nutritive saine et permettra de réduire la facture d'importation de farine». Mieux encore, estime-t-il, ce mélange appelé 3 SF «permet de produire 25 à 30 baguettes de pain de plus dans un quintal». Donc, c'est tout «bénéf», sauf que du côté des minoteries, l'on craint déjà les conséquences. «Il est actuellement difficile d'obtenir ce mélange à moyennes respectées, d'autant que la «semoulette» (farine de blé dur) n'est disponible qu'au niveau des semouleries et pas des minoteries», nous explique le gérant d'une minoterie à Boumerdès. Notre interlocuteur, qui estime que le taux de 30% de semoule à mélanger avec la farine de blé tendre est difficile à respecter, pense que les propriétaires de semouleries ne vont pas jouer le jeu, eux qui tirent des bénéfices meilleurs en mélangeant cette farine au son (produit destiné à l'alimentation du bétail). Et puis, comme l'explique un ancien boulanger requérant l'anonymat, «avec de la semoulette, on ne doit pas s'attendre à un pain meilleur». Pour lui, ceux qui ont pris cette décision ne semblent pas connaître la réalité du terrain, puisque en plus des difficultés rencontrées pour produire les quantités nécessaires afin de faire face à la demande, il y aura la contrainte de la qualité, tant une bonne partie des boulangers actuellement ne maîtrise pas, sinon fait fi des process de production adaptés à chaque farine. «Il faut attendre pour voir» De toute façon, les boulangers, ou du moins leurs représentants de la Fédération nationale des boulangers (FNB), sont engagés à utiliser cette «nouvelle» farine dès le mois de janvier prochain. C'est ce que confirmait d'ailleurs ce jeudi le président de cette fédération, Youcef Khelfate, qui pense que l'utilisation de cette farine mixte (70% de blé tendre importé et 30% de blé dur local), destinée uniquement à la préparation du pain, «permettra de régler définitivement le problème de la fabrication des gâteaux avec de la farine subventionnée et de garantir la disponibilité du pain en permanence». Un avis que Bakhti Belaïb, le ministre du Commerce, ne peut que soutenir, lui qui estimait, dans une déclaration récente à la presse, qu'«il s'agit essentiellement d'utiliser un type bien précis de farine subventionnée (une farine de blé complet aux composants fibreux) dans la fabrication du pain», assurant que son département «veillera à maintenir les revenus des boulangers sans avoir à augmenter le prix de la baguette de pain fixé à 8,5 DA». Une mesure qui jusque-là ne semble pas déplaire à Mustapha Zebdi, président de l'Association de protection et d'orientation du consommateur et son environnement (Apoce), lequel estime que d'après les expériences menées dans certaines boulangeries, le résultat est bon. Toutefois, et à la question de savoir comment le processus de traitement de ce produit est suivi, notre interlocuteur émet une réserve, lui qui dit que son organisation est actuellement au stade de l'observation et qu'«elle n'hésitera pas à demander la correction de certaines anomalies si elles apparaissent». «Je pense qu'il faut attendre pour voir», dira-t-il, ajoutant que «si nous sommes d'accord sur le principe, il va sans dire que s'il y a des risques pour la santé des consommateurs, on n'hésitera pas à les dénoncer».