Comédien, acteur, metteur en scène, fondateur de la Coopérative théâtrale Sindjeb de Bordj Menaïel, ancien directeur du théâtre régional de Béjaïa (TRB) et commissaire du Festival international du théâtre de Béjaïa (FITB) depuis 2012, Omar Fetmouche, véritable professionnel du théâtre algérien, revient avec nous dans cet entretien sur les grandes lignes du 7e FITB ainsi que sur ses futurs projets. Quel bilan dressez-vous des quatre dernières éditions du FITB qui se tient depuis 2012 à Béjaïa ? Un élément fondamental ressort des quatre précédentes éditions, c'est le public. Il est présent à chaque fois et son nombre s'accroît d'année en année. C'est une donne très importante car un festival, c'est d'abord «des publics». Nous sommes témoins ici à Béjaïa de l'émancipation de plusieurs publics au cœur du théâtre, dans les villages, dans les rues… nous sommes en même temps en train d'avancer de plus en plus dans l'investigation théorique et académique en matière de formation. Un festival, en fin de compte, c'est aussi des rencontres entre hommes de science, de théâtre, c'est aussi des débats, un lieu de concertation et d'échange de cultures, ce n'est pas qu'un lieu de partage de spectacle. C'est ce qu'on a voulu apporter dans cette édition. Nous avons ramené des pointures du théâtre international et cela a fait le bonheur de tous les artistes et pratiquants du théâtre présents lors de ce festival. Vous estimez que vous avez atteint vos objectifs lors de cette 7e édition ? Oui, je le dis le plus normalement du monde, nous avons atteint 99% de nos objectifs en matière d'investigation théorique de nombre de pays participants. En matière d'affluence, presque 85 000 personnes ont pu suivre le festival. Sur le plan qualitatif et quantitatif des représentations de spectacles, on est aussi satisfait… Et ces conclusions sont en grande partie de l'avis du public ainsi que de la presse de manière générale. Cette année, les pièces théâtrales étaient variées et intéressantes. C'est pour dire d'une manière ou d'une autre que les arts de la scène doivent être un ensemble complet. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus faire que du théâtre à texte. Le théâtre psychologique dramatique n'existe plus. De notre temps, les jeunes vivent au rythme d'internet et de la modernité. Il est temps aussi que le théâtre fasse du cirque, de la danse, de la musique, s'ouvre à tous les arts de la scène possibles. Concrètement, qu'a apporté le FITB au théâtre algérien ? Il va apporter. En quatre années, il ne va pas tout changer. Dans six, sept ou huit ans, les graines vont pousser. On ne va pas se leurrer à dire que le FITB a cassé la baraque, non, le FITB, c'est un moment de rencontres théâtrales à l'instar d'autres festivals dédiés à cet art à travers le territoire national. Il apporte sa touche internationale en ramenant des personnalités de haut standing connues dans le monde du théâtre. Béatrice Picon, directrice du CNRS de France et Vadim Shcherbakov, directeur du théâtre Meyerhold de Russie sont des personnalités qui ont écrit des dizaines et des centaines de volumes sur le théâtre. Le fait de faire leur rencontre, c'est très important, parler de Meyerhold, l'un des plus grands hommes de théâtre contemporain dans un festival de théâtre comme le nôtre, c'est un grand privilège. Ces personnalités ont un agenda chargé et n'acceptent pas toutes les invitations. Au festival d'Avignon en France, l'un des plus anciens dans le monde, ces personnalités n'ont pas pu être présentes. Je l'ai ramené difficilement à Béjaïa. Le festival a permis aussi la formation d'une soixantaine de jeunes de Béjaïa, tels que la troupe d'Oued Amizour, la troupe d'Awkass, de Tichy… et c'est grâce au financement et à l'organisation du festival qu'on est arrivé à apporter une bonne formation. On a formé aussi le ballet du théâtre de Béjaïa, le premier ballet régional algérien. Avec l'apport du ministère de la Culture et du chorégraphe El Hadi Cherifa, ce ballet, avec une formation continue, donnera des merveilles d'ici deux à trois ans. Nous avons aussi ramené Celedon Mauricio du Chili, l'un des grands fondateurs du théâtre de rue dans le monde. On l'a ramené d'entre l'Europe et l'Amérique pour qu'il donne un stage ici à Béjaïa. Tout ça fait partie de ce que peut apporter le FITB au théâtre en Algérie. Et le meilleur reste à venir. Si on nous laisse bien travailler, nous allons énormément acquérir pour le théâtre algérien. Quels sont vos projets maintenant que vous avez pris votre retraite du TRB. peut-on voir la création d'une école de théâtre Omar Fetmouche en Algérie ? Une école de théâtre oui, mais de moi je ne peux pas dire que je détiens une forme de fer. Je suis en train de monter une pièce avec le théâtre régional de Batna. La générale sera donnée le 26 novembre prochain dans le cadre de Constantine, capitale de la culture arabe 2015. C'est une pièce adaptée par Mohamed Bourahla Awdet El Wali Essaleh fi Maqamihi (le retour du saint patron à sa place) de Tahar Ouettar. Par ailleurs, la retraite va me donner la possibilité effectivement de me réinvestir dans la coopérative Sindjeb de Bordj Menaïel pour essayer de créer réellement une école de théâtre à Sindjeb. Mais surtout, je vais me mettre à écrire sur le théâtre et sur beaucoup de choses qui n'ont pas été dites, par exemple sur le festival du théâtre amateur de Mostaganem. Je vais écrire et éditer un livre sur les exercices fondamentaux du comédien, sa toilette, son hygiène, des documents purement techniques que je pense léguer aux futures générations. Actuellement, les comédiens veulent travailler mais n'ont pas les matériaux nécessaires. Quel sont les grandes lignes de la prochaine édition ? Vous voulez que je vende la mèche, (rire)… ça va être une très bonne édition. On a reçu des demandes de participation de la part de l'Autriche, la Suisse et la Hongrie pour les prochaines éditions. Dès le mois de janvier, je m'envole vers d'autres horizons et je prendrai mon panier avec moi pour faire mes provisions de bons spectacles. Entretien réalisé