Une semaine durant, la ville des Hammadites a vécu au rythme du 7e Festival international du théâtre de Béjaïa (FITB) qui a pris fin mercredi soir. Deux pièces ont clos ce festival : Hammam Baghdadi du metteur en scène irakien Djaouad El Assadi, jouée au théâtre Malek-Bouguermouh et Hadatha ghadan (ça s'est passé demain) de Haroun Kilani, l'un des hommes de théâtre algérien les plus créatifs du moment. Hammam Baghdadi retrace le vécu et l'enfer de l'Irak, avant et après l'invasion américaine. Ce spectacle de très haute facture est servi par un texte poignant et sublimé par les acteurs exceptionnels que sont Haider Abou Haider et Aboud Harakni, qui se sont rendus maîtres de cette farce tragique qui met en scène les souffrances d'un pays ruiné, dévasté et plongé dans le bain de l'absurde. Tantôt légers, tantôt graves, toujours incisifs, les deux compères ont réussi à fixer avec beaucoup d'émotion le cheminement, la substance et les furies, jusqu'à en perdre la raison. Hadatha ghadan a été jouée dans la rue, à côté de l'hôtel Raya à Tichy où s'est poursuivie la soirée de clôture. Cette pièce pertinente dresse le portrait d'une Algérie ou d'un monde sans pétrole. Elle a été jouée par 40 comédiens de la troupe théâtrale Afara de Tichy, créée en 1984. Mise en scène et écrite par Haroun Kilani sous la direction d'Omar Fetmouche, le commissaire du FITB, cette pièce fait un pas dans l'avenir du théâtre universel. «Le théâtre de rue a un bel avenir car la tendance internationale est au théâtre de performance. Il faut que le public algérien arrive à s'adapter et à bien recevoir ce genre de spectacle», nous dira Haroun Kilani. «Je souhaite jouer cette pièce dans une ferraille de voitures, dans une gare, sur l'esplanade de notre dame d'Afrique ou dans les rues de la Casbah», fera savoir H. Kilani. Après Ali Abdoune et Rabie Ghechi, Haroun Kilani est l'un des rares à avoir initié ce théâtre de rue en Algérie. Des airs de hawzi pour illuminer la soirée Après les pièces théâtrales, la soirée s'est poursuivie avec la présence des troupes étrangères et algériennes ayant participé à cette grande fête du 4e art. Les hôtes de la soirée n'ont pas caché leur bonheur d'assister pour la première fois à une soirée musicale hawzi. Les musiciens et chanteurs de l'association Ahbab Cheikh Sadek Bedjaoui, ceux d'El Djenadia de Boufarik et la chanteuse Selsabile ont merveilleusement animé la soirée. «Je remercie tous ceux qui ont participé au bon déroulement de cette manifestation. les troupes étrangères qui nous ont offert de magnifiques spectacles. je remercie aussi ma femme qui m'a toujours soutenu dans mes démarches artistiques ainsi que toute la presse qui nous a accompagnés durant le festival. Béjaïa est une ville lumière qui mérite un Festival de cette ampleur», dira Omar Fetmouche, le commissaire du FITB avec beaucoup d'émotion. Le FITB a été une réussite qui a réuni des spectacles absolument époustouflants, à l'instar de la pièce La coiffeuse de Victor Rizsakov (Hongrie), Clan Macbeth de l'Italien Daniele Scattina, qui a donné un coup de jeune à la pièce de Shakespeare ou encore D'exil en exil de mathieu Chardet, qui a bercé le public au-delà de toute attente, avec la poésie et les strophes de Nezim Hikmat. 85 000 spectateurs Tous les spectacles, une cinquantaine à travers le Théâtre régional Malek-Boughermouh présentés à la maison de la culture Taous-Amrouche, au niveau des représentations de proximité des communes d'Amizour, Sidi-Aich, à la place 1er Novembre ex-Place Gueydon, au Musée de Bordj Moussa et des résidences universitaires, ont connu un accueil retentissant, selon les organisateurs du festival qui ont estimé l'afflux du public durant une semaine à plus de 85 000 personnes. Aussi, côté colloque et journées d'études et hommages, le festival a proposé des thématiques nouvelles telles que «Le Rite et le Sacré dans le théâtre contemporain», des rencontres sur Meyerhold, Mouloud Feraoun et Mouloud Mammeri avec la présence d'éminents chercheurs et universitaires et de spécialistes internationaux du quatrième art. Ils ont dit : Aida Guechoud, actrice et comédienne algérienne : «Le FITB est une bouffée d'air frais» «Ce festival est une bouffée d'air frais pour moi. Ça faisait longtemps que je n'étais pas sortie, que je n'avais pas vu et côtoyé des comédiens et réalisateurs. Je suis toute aussi satisfaite et surprise des pièces que j'ai vues, de leur modernité et actualité. Ce festival dirigé par un professionnel Omar Fetmouche, a un bel avenir devant lui surtout dans cette ville.» Haroun Kilani, comédien, metteur en scène et réalisateur : «C'était une édition complète» «Je n'ai pas vu beaucoup de spectacles, à part ceux de Djaouad El Assadi et de Maythème Essadi. J'étais tout le temps occupé avec la troupe de Tichy. Mais dans l'ensemble, je dirais que cette édition est complète et a servi beaucoup le domaine du quatrième art tel que la formation lors des ateliers et les journées d'études qui étaient très riches en information.» El Hadi Cherifa, chorégraphe et ancien directeur du ballet national :«Il faut laisser une trace historique après notre passage à Béjaïa» « Je n'ai pas tout vu, mais je suis ravi du niveau des spectacles de cette année. J'ai adoré la pièce du Portugal qui était un spectacle dansant. Je suis ravi de découvrir ce travail. Le spectacle de Haroun Kilani aussi est excellent. Il faut multiplier ce genre d'initiative qui valorise les lieux en laissant des traces, dans la ville hôte. On souhaite faire le premier ballet régional avec les jeunes qu'on a formés et qui ont présenté le spectacle d'ouverture.» Soraya Gandi, doctorante en art du spectacle à l'Université de Paris : «Le niveau des pièces était très élevé» «Le niveau des pièces théâtrales présenté cette année est très élevé. Je suis désolée, par ailleurs, que pour la pièce d'Italie il n'y a pas eu de sous titrage. Le fait de voir la pièce et de ne pas la comprendre est gênant. sur le plan organisationnel, je trouve que c'est mieux que l'année dernière. Sinon pour le colloque, je déplore qu'il n'y ai pas eu d'étudiants, de doctorants, de chercheurs pour assister et débattre des résultats.» Daniel Milyque, collaborateur du théâtre de Serbie :«L'Algérie renforce sa position théâtrale dans le monde» «C'est un événement cosmopolite, international qui a rassemblé des pays qui sont meneurs dans l'art dramatique. C'est un festival représentatif du brassage culturel et de la richesse de l'Algérie qui renforce sa position théâtrale dans le monde. Les pièces étaient modernes. pour la plupart actuelles. On a vu un théâtre d'avant-garde, et il y a peu de pays dans le monde qui avancent sur ce chemin. On essayera l'année prochaine d'inviter le FITB au festival de Belgrade. L'organisation était bonne. Tout le monde était accueillant avec nous et même la population a montré un niveau élevé de connaissance théâtrale. Nous étions très à l'aise.»