Noureddine Boukrouh est un homme politique au profil recherché dans le paysage politique national. En plus de sa carrière en tant que chef du Parti du renouveau algérien, l'homme est connu pour être un auteur prolifique d'ouvrages politiques fortement teintés de la pensée de Malek Benabi, dont il est intellectuellement l'héritier. Avec sa causticité habituelle, il pose dans cet entretien un regard froid et décapant sur l'actualité nationale. Il montre et démontre certaines scories qui collent à la pratique politique en Algérie et esquisse la voie à suivre d'après lui pour réenchanter l'idéal algérien. Terriblement remonté, Noureddine Boukrouh n'en pense pas moins qu'il n'est pas trop tard pour redresser la situation. Le Temps d'Algérie : «Effondrement de l'Etat», «explosion populaire», «scénario à la syrienne»… le discours alarmiste n'a jamais été aussi diffus en Algérie. Partagez-vous ces lectures quasi fatalistes ? Faut-il vraiment s'inquiéter de la situation générale du pays ? Noureddine Boukrouh : Sans vouloir en rajouter, je pense qu'il faut être complètement ignorant des conditions à remplir pour être un pays viable, fiable et durablement stable pour ne pas s'inquiéter de la situation générale du pays. Or, l'écrasante majorité des Algériens de haut en bas de l'échelle, de long en large, ne sait rien de ces conditions ou, les devinant parce que les voyant chez les autres, ne veut pas en entendre parler. Il faut dire que ce n'est pas facile de construire un pays, une société, une conscience civique, un système éducatif performant, une économie, une démocratie... Pas mal de pays se sont cassés les dents en croyant pouvoir le faire avec la trique ou des gris-gris. C'est d'autant plus compliqué qu'on ne l'a jamais fait, qu'on n'en a pas les ingrédients mentaux, qu'on n'y a pas été préparés depuis l'indépendance et que ça plaît à tout le monde de vivre n'importe comment, sans règles, par hasard, assisté et subventionné. On trouve agréable, voire miraculeux, de vivre sans contrepartie, de faire fortune sans coup férir, de parvenir aux postes d'influence et lucratifs grâce à l'art de manier la brosse. Pourquoi changer puisque ça marche pour tout le monde à peu près ? N'est-ce pas qu'on ne change pas une équipe qui gagne ? «Quand quelqu'un veut poser le problème dans sa nudité ou s'élève contre l'aberration générale, on lui oppose tout de suite les acquis de la Révolution, les bienfaits de la réconciliation, les vertus de la stabilité, le mythe du chef providentiel, le génie du peuple algérien et autres sornettes auxquelles nous sommes les seuls au monde à y croire.» Quand quelqu'un veut poser le problème dans sa nudité ou s'élève contre l'aberration générale, on lui oppose tout de suite les acquis de la Révolution, les bienfaits de la réconciliation, les vertus de la stabilité, le mythe du chef providentiel, le génie du peuple algérien et autres sornettes auxquelles nous sommes les seuls au monde à y croire jusqu'au jour où tout s'effondrera d'un seul coup, démontrant le caractère factice de l'édifice traficoté et collé à la salive. Ce sera comme en 2003, avec l'écroulement des immeubles de Boumerdès où on a découvert du carton à la place du rond à béton. Nous sommes une cohorte de pauvres hères (je sais, c'est un pléonasme) errant dans l'histoire qui, un jour, ont trouvé par terre un pactole, l'ont ramassé et en vivent depuis, selon des règles de partage plus ou moins équitables. Après ? «Yarhamha rabbi» et autres perles de notre religiosité de charlatans et de notre mentalité de resquilleurs. Tout le monde s'accommode de cette situation contre nature, précaire, délétère, mais propice au gain facile, à la grande et à la petite corruption, au succès de n'importe quelle affaire louche ou commerce informel dans l'économie, la politique ou la religion. La situation de notre pays n'est pas inquiétante, elle est follement dangereuse. Tout est à l'envers et tient à un fil. L'échelle des valeurs morales a été inversée avant l'indépendance et a mené au bricolage auquel on assiste aujourd'hui en lieu et place de la gouvernance. Le mal pour le mal, rien ni personne à sa place, nul ne sachant où on va et les «responsables» agissant comme les cheminots d'autrefois, avec les chaudières des trains qu'ils doivent alimenter sans arrêt en charbon pour que le feu ne s'éteigne pas. Remplacez le charbon par le pétrole et vous aurez tout compris. S'ils arrêtent, c'est tout de suite la panne, tout le monde descend et commence alors l'ère de «tag aâla men tag» qui ne finira qu'à la manière afghane, irakienne, syrienne, libyenne, somalienne ou yéménite ; on n'a que l'embarras du choix. Ce ne sont pas les meilleurs, les plus compétents ou les plus intègres qui sont aux postes de responsabilité, ce ne sont pas les politiques servant l'intérêt du pays et des citoyens à long terme qui sont mises en œuvre. En disant cela, je ne me place pas du point de vue de l'alarmiste vindicatif ou de l'opposant obsessionnel, mais du point de vue de l'observateur de la vie des peuples contemporains ou d'autrefois, de celui qui, comme Montesquieu, Ibn Khaldoun ou tout autre analyste avisé, médite et écrit sur les causes de la grandeur et de la décadence des nations, de la réussite des unes et de l'échec des autres, qu'elles soient d'Occident ou d'Orient, contemporaines ou révolues. Votre réponse est terriblement pessimiste, je dirais même chargée d'amertume. N'y a-t-il pas vraiment de place à l'optimisme, à des solutions pour remonter la pente ? Oui, c'est vrai que je ressens une certaine amertume devant le gâchis dont tout le monde convient. Nous avons un grand et beau pays, gorgé de ressources naturelles et humaines, mais à la traîne dans tous les classements parce que mal dirigé. Les solutions existent, on peut tout de suite, moyennant quelques déclarations politiques motivantes et mobilisatrices, quelques gestes remontant le moral à la nation et quelques décisions annonciatrices de la mise en place d'une économie alternative aux hydrocarbures pour que l'aiguille se mette à remonter et l'optimisme à revenir. Ce qui incite au pessimisme, c'est la persistance des dirigeants dans le mépris de la nation et une politique économique fondée sur la dépense de la rente et non la production, sur l'importation et non l'exportation. Le mystère, c'est pourquoi on s'entête dans le mensonge, le secret, les politiques sans issue. Les clés sont entre les mains du Président. Entre ses seules mains, la dyarchie et le bicéphalisme n'existant plus. Pourquoi par exemple ne s'implique-t-il pas personnellement, ne serait-ce que symboliquement, dans les consultations autour de la révision de la Constitution avant son ficelage définitif ? «Les clés sont entre les mains du président. Entre ses seules mains, la dyarchie et le bicéphalisme n'existant plus. Pourquoi par exemple ne s'implique-t-il pas personnellement, ne serait-ce que symboliquement, dans les consultations autour de la révision de la Constitution avant son ficelage définitif ?» En tant qu'homme politique d'opposition ayant de surcroît fréquenté, pour quelque temps, les différentes sphères décisionnelles, le pouvoir est-il capable, selon vous, de surprendre par un sursaut démocratique ? Oui, il peut, et je viens de vous donner un exemple : que le Président saisisse l'occasion de la révision de la Constitution pour recevoir les principaux acteurs de la vie politique et sociale. Ça ne lui demandera pas plus d'efforts qu'il n'en faut pour présider une réunion du Conseil des ministres. Un geste de cette nature peut changer les rapports psychologiques et booster la confiance réciproque. La grandeur, ce n'est pas de mépriser les autres ou les regarder comme indignes d'une rencontre au sommet pour parler de l'intérêt du pays, mais de tendre courageusement la main dans un élan de respect motivant et réconciliant. C'est ça qui serait un sursaut positivement surprenant. Malheureusement, et jusqu'à présent, les seuls sursauts dont nous sommes redevables au pouvoir sont le renversement du GPRA en 1962 par la force, le coup d'Etat du 19 juin 1965 par la violence et le viol de la Constitution par chaque président (à l'exception de Zeroual). Le président Bouteflika vient d'éventer quelques éléments devant servir de base à la nouvelle Constitution. A-t-il à votre avis pris toute la mesure de la demande sociale et sociétale, mais aussi de l'environnement fortement crisogène de notre entourage immédiat ? La tranquillité la plus totale règne en haut où on est assuré que l'Algérie est immunisée contre toute menace grâce à la vue perçante et à l'intelligence légendaire de ses dirigeants qui ont tout prévu, anticipé et bétonné. Ils oublient qu'ils n'ont pas vu venir, entre autres, octobre 1988, les résultats des communales de 1990, les législatives de décembre 1991, le terrorisme de la décennie noire et les 200 000 morts qu'il a entraînés. On compte toujours et plus que jamais sur les services de sécurité et l'armement acheté, alors que, comme en 1990, 1991 et 1992, les lignes de fracture sont à l'intérieur. L'extérieur attend que ces lignes bougent et gagnent en visibilité pour prendre appui dessus et déployer le plan nous concernant qui existe forcément. «On compte toujours et plus que jamais sur les services de sécurité et l'armement acheté alors que, comme en 1990, 1991 et 1992, les lignes de fracture sont à l'intérieur.» Dans son dernier message, le Président a parlé du nécessaire redressement des prix du pétrole, pas de l'économie alternative au pétrole à construire tant qu'on le peut encore. Le gouvernement, lui, est tout content de nous annoncer qu'il a trouvé un pays auprès de qui on peut s'«endetter intelligemment», la Chine. Notre voisin marocain a commencé depuis quelques semaines à jouer sur une corde qui pourrait devenir sensible, celle du «respect des droits du peuple kabyle», manière de réponse du berger à la bergère. Les deux peuples frères ne veulent pas la guerre et y auraient tout à perdre et rien à gagner, mais les deux Etats s'y préparent et s'équipent principalement dans cette perspective. Il se trouvera qui, de l'extérieur et au moment voulu, allumera la mèche. Il n'est pas difficile de deviner à qui ira l'aide occidentale, arabe et islamique. De quelle demande sociétale parlez-vous ? Les demandes de logements sociaux, de relèvement du pouvoir d'achat oui, tout le monde connaît et elles sont légitimes, mais une demande sociétale, à part ce que vous en lisez de temps à autre dans la presse, non, il n'y en a pas ou si peu, du bout des lèvres. Les éléments auxquels vous faites allusion n'avaient pas besoin de quatre ans et demi de tergiversations et de cet incompréhensible jeu de cache-cache. Les termes dans lesquels est posé le problème sont eux-mêmes faux. La Constitution est l'affaire d'une nation, pas d'un homme. C'est parce qu'il n'y a pas de nation que les choses se présentent comme elles sont présentées. Pensez-vous que le Président veuille vraiment poser les jalons d'une refondation de l'Algérie sur des bases plus démocratiques en «dédiabolisant» l'opposition ? Je n'en sais rien, mais on ne voit pour l'instant aucun indice laissant espérer un engagement imminent sur la voie que vous indiquez. S'il le veut, il le peut. Or, il y a plus d'indices montrant que le pays a été pris en otage et qu'on l'a livré à l'incompétence et à la corruption, que de signes qu'on est à la veille d'une révolution morale pour donner un nouveau départ au pays. Je ne sais pas pourquoi c'est toujours le mal qui gagne et le bien qui perd, pourquoi le Président choisit la médiocrité et éloigne l'intelligence. S'agissant de l'opposition, il n'y en a malheureusement pas. S'il y en avait une, elle se verrait et se ferait entendre. A l'époque du FIS oui, il existait une opposition et tout le monde l'a vue et entendue. Derrière les personnes et les partis qui se présentent aujourd'hui comme étant l'opposition, il n'y a rien, ou si peu. Face à un pouvoir arc-bouté sur ses acquis, les partis de l'opposition peinent à constituer un rapport de force. Quelle parade pour sortir le pays de cet inquiétant statu quo ? Il n'y a aucune parade envisageable dans les conditions actuelles, le peuple est en retrait de la vie politique, le pays n'a pas de relève et continue sur sa lancée dans la mauvaise voie qui conduira fatalement à la violence. A ce moment-là, il n'y aura plus que la rue pour réguler les rapports individuels et sociaux. Le nihilisme, la haine, l'esprit de revanche, le fanatisme religieux prévaudront et réuniront le plus grand nombre autour d'eux. Tout le monde est dans l'autisme : pouvoir, opposition et peuple.Les pays construits sur le despotisme et la rente ont tous explosé et la plupart ne se relèveront jamais : Irak, Syrie, Yémen, Libye, Somalie…«Le nihilisme, la haine, l'esprit de revanche, le fanatisme religieux prévaudront et réuniront le plus grand nombre autour d'eux. Tout le monde est dans l'autisme, pouvoir, opposition et peuple.» Certains leaders, à l'image de Benflis, adoptent un discours radical vis-à-vis du pouvoir avec comme postulat une «vacance du pouvoir». Est-ce d'après vous une démarche porteuse politiquement ? Le radicalisme verbal ne fait peur à personne. Le verbe n'a jamais empêché le pouvoir de dormir sur ses deux oreilles. Le verbe étranger peut-être, mais pas le verbe local auquel il oppose avec mépris le proverbe «Les chiens aboient et la caravane passe». Pour ma part, je ne vois pas que le pouvoir est vacant, je vois au contraire un trop-plein. Beaucoup d'observateurs relèvent un manque d'épaisseur intellectuelle des leaders de l'opposition réduits à réagir de façon mécanique aux faits et dires du pouvoir. N'est-ce pas là l'autre difficulté de l'équation algérienne ? On croit suppléer au manque de qualité par la quantité, on pense pouvoir masquer le manque d'homogénéité des idées par la pléthore des sigles… De l'expérience des 7+1 à la CNLTD, le même scénario est joué depuis un quart de siècle un peu pour s'occuper, un peu pour donner de la matière aux médias, un peu pour duper les autres en leur faisant croire que la grenouille est aussi grosse que le bœuf. Aucune leçon n'a été tirée des tentatives et expériences précédentes. Il ne suffit pas de se réunir, l'essentiel est ailleurs, il reste à faire : mobiliser les citoyens, les convaincre de s'investir dans l'action politique, constituer une véritable union, élaborer un programme commun, présenter des listes électorales uniques aux législatives et aux municipales et un seul candidat à l'élection présidentielle. Une seule partie n'est pas dupe, c'est le pouvoir qui, lui, est homogène. Le multipartisme se nourrit des mentalités tribales, régionalistes, religieuses et égocentriques qui rendent toute entreprise d'homogénéisation impossible.«De l'expérience des 7+1 à la CNLTD, le même scénario est joué depuis un quart de siècle un peu pour s'occuper, un peu pour donner de la matière aux médias, un peu pour duper les autres en leur faisant croire que la grenouille est aussi grosse que le bœuf.» L'inflation d'incitations politiques, y compris au sein des partis du pouvoir, est-elle un signe de vitalité politique ou au contraire le symptôme du mal algérien qui consiste à tirer des plans sur la comète faute de pouvoir faire bouger les lignes ? C'est un symptôme du mal algérien. Il faut bien faire semblant d'activer pour masquer le manque d'idées véritables, efficaces et opérationnelles. Chacun y va de son astuce, de sa proposition inconsistante et irréalisable juste pour rappeler son existence aux médias. L'interlocuteur des partis, ce n'est pas le peuple, ce n'est pas le pouvoir, c'est uniquement les médias. La solution pointera le nez le jour où une opposition homogène, avec un programme réel et un leadership clair arrivera à entraîner derrière elle des millions de personnes. Tout le reste n'est qu'agitation stérile qui éloigne encore davantage les partis de l'adhésion populaire. Ce qu'on prend pour de la politique n'est souvent que de la comédie. La démocratie est un paravent que le pouvoir et ses soutiens à l'étranger entretiennent pour occulter les vrais enjeux et réduire l'intensité des critiques émanant des ONG ou des institutions multilatérales. Ce n'est pas un besoin sociétal, c'est juste un thème de discours, une pétition de principes abstraits. Le peuple, dans sa majorité, veut du pain et de la religiosité et ne cherche pas à savoir par qui il est dirigé ni dans quelle direction il est conduit.Il a placé sa confiance en Dieu et vit confiant.«Le peuple, dans sa majorité, veut du pain et de la religiosité et ne cherche pas à savoir par qui il est dirigé ni dans quelle direction il est conduit. Il a placé sa confiance en Dieu et vit confiant.» Il y a aussi cette peur du vide. Le pouvoir prend le risque de se retrouver, à moyen terme, seul et sans ressources face à une crise multidimensionnelle après avoir cassé tous les ressorts de la société… Le pouvoir n'a jamais eu besoin de personne et ne compte réellement que sur ses forces armées et Sonatrach. Par ailleurs, il n'a cassé aucun ressort de la société parce que ce que vous qualifiez de tel n'existe pas en Algérie où il y a certes un peuple pléthorique mais pas de société. Là, vous l'accusez à tort. Qu'il n'ait rien fait pour qu'apparaisse une société en Algérie, ça oui, c'est vrai. Même en cas de crise multidimensionnelle comme vous dites, que pourrait apporter l'opposition au pouvoir pour l'aider à sortir de ce mauvais pas ? Son discours ? Son verbe radical ? Sa pléthore de leaders ? Ses quelques milliers d'adhérents ? Il y a deux réalités en Algérie, un pouvoir homogène et organisé pour sa défense et un peuple hétérogène, désorganisé et qui se f... de la démocratie. Entre les deux, il y a les médias où gravite une foule d'individus inconscients de leur inutilité. Quel regard portez-vous en tant qu'intellectuel sur l'attitude presque démissionnaire des élites en Algérie, à l'égard des questions qui agitent la société ? L'élite algérienne n'est pas démissionnaire, elle est au contraire très occupée. Elle s'exerce à un art éreintant, celui de «passer entre les gouttes», c'est-à-dire rester à équidistance de la population et du pouvoir. La peur de la répression est revenue en force ces derniers temps, comme pour tétaniser les gens à l'approche de la mise en œuvre d'une stratégie dont nul ne connaît les objectifs. On a même trouvé un moyen ingénieux : faire peur non pas aux personnalités mais aux supports médiatiques. J'étais fréquemment invité à des émissions TV, mais depuis la fermeture de la chaîne qui a donné la parole à l'ancien chef de l'AIS, c'est le silence, comme si la consigne passée a été saisie à demi-mot : on ne s'en prendra plus à l'auteur des propos critiques mais à l'organe qui lui aura donné la parole. L'Algérie vient de célébrer le 61e anniversaire de sa glorieuse Révolution, mais le cœur n'y est plus. Que faudra-t-il faire d'après vous pour que nous soyons au diapason de l'épopée de Novembre et dépassions le discours aussi incantatoire qu'improductif ? L'Algérie n'a rien célébré, c'est à peine si elle s'est souvenue de cette date. Le 1er Novembre et le 5 Juillet ne sont plus célébrés depuis longtemps. En fait, il n'y a plus rien à célébrer, la Révolution a été détournée au profit de personnes qui ont assuré leur fortune et celle de leurs descendants, puis livré les symboles de cette Révolution à des parvenus, des ignorants et des serviteurs surgis du néant et de la médiocrité. Ce sont ces critères qui sont appliqués dans le choix des hommes qui doivent diriger et représenter le pays. Ce peuple a retenu la leçon, il ne croit plus en personne ni en rien. Les valeurs humaines, le patriotisme, le nationalisme, les vertus morales ont été assassinés. Il n'y a qu'à voir ces momies qui n'ouvrent la bouche sous prétexte de livrer leur témoignage sur la Révolution que pour en dégoûter les nouvelles générations, pour la leur faire passer pour des assassinats en série et des conflits régionalistes. «Ce peuple a retenu la leçon, il ne croit plus personne ni en rien. Les valeurs humaines, le patriotisme, le nationalisme, les vertus morales ont été assassinés. Il n'y a qu'à voir ces momies qui n'ouvrent la bouche sous prétexte de livrer leur témoignage sur la Révolution que pour en dégoûter les nouvelles générations, pour la leur faire passer pour des assassinats en série et des conflits régionalistes.» Justement, 19 personnalités, dont plusieurs révolutionnaires respectés, ont rédigé un «manifeste» qu'ils ont placé sous l'égide du 1er Novembre 1954 pour se faire entendre du premier magistrat au sujet de l'avenir du pays. Que vous inspire-t-il ? J'ai trouvé l'initiative intelligente et apaisante, tout en portant un message lourd : le sort du pays au milieu de périls visibles, manifestes, imminents. Le Président ne devrait pas rester sourd à cet appel, à cette prière, et lui donner les suites qui s'imposent, qu'espère le pays. Il n'y a ni irrespect ni malice dans cette démarche apolitique et désintéressée, et ce n'est pas déchoir que de lui apporter les réponses qu'elle mérite. Dans la situation actuelle, les gestes ayant une portée morale comptent beaucoup. Or, les réponses n'ont pas tardé à fuser du RND et du FLN : les étrangers reçus par le Président ont tous déclaré qu'il avait toutes ses capacités, ça suffit. Circulez, y a rien à voir vous autres Algé-riens… J'espère que votre journal ne sera pas fermé.