La toxicomanie à l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou a pis de l'ampleur. Pas moins de 9% des étudiants consomment de la drogue. «Le taux de prévalence de la consommation de drogue chez les étudiants de la wilaya de Tizi Ouzou, 9%, est nettement supérieur au taux relevé au niveau mondial (3 à 5 %) et dans l'enquête nationale de 2010 (1,15%).» C'est la conclusion d'une enquête menée par des spécialistes en la matière durant l'année en cours, à l'université Mouloud-Mammeri. Intitulée «Prévalence de la toxicomanie en milieu universitaire durant l'année 2015», cette enquête réalisée par deux médecins résidents en épidémiologie et en psychiatrie au niveau du CHU Nedir-Mohamed assistés de leurs chefs de services respectifs, et dont les résultats ont été communiqués la semaine dernière à l'occasion de la Journée nationale de la psychiatrie, a été effectuée sur un échantillon de 1172 étudiants, représentants 2,1% de l'ensemble des 55 000 que compte l'université de Tizi Ouzou. Selon les spécialistes, bien que l'histoire de la toxicomanie ait accompagné la découverte des substances, les études épidémiologiques scientifiques datent d'à peine trois décennies. La morbi-mortalité liée à ces substances parmi les adolescents est devenue une pandémie mondiale. Selon les résultats de l'étude présentée par le Pr Abbès Ziri, directeur général du CHU Nedir Mohamed, «en dépit de son irruption relativement récente en Algérie, le phénomène de la toxicomanie constitue une préoccupation majeure des pouvoirs publics, des éducateurs, des professionnels de la santé mentale, des parents et du mouvement associatif». Une enquête sur la toxicomanie effectuée en 2010 dans 10 wilayas d'Algérie a révélé que 37,7% des étudiants ont pris de la drogue. Et les résultats de l'étude réalisée à l'université Mouloud-Mammeri donnent froid dans le dos. Pour cause, le taux de prévalence chez ces étudiants est nettement supérieur au taux relevé au niveau mondial. Cannabis, tranquillisants, ecstasy, cocaïne… Selon les enquêteurs, la présence de nombreux facteurs de risque sur les plans démographique, économique et socioculturel pourraient aggraver davantage ce phénomène dans une société en pleine mutation et vivant des crises multiples depuis plusieurs années sur les plans économique, social et politique. «Il est donc intéressant de se pencher sur l'étude de ce fléau à travers la répétition d'enquêtes de prévalence sur plusieurs régions afin de proposer des méthodes de prévention», affirment les auteurs de l'enquête qui ont indiqué que le taux de prévalence de la consommation de drogue chez les étudiants de l'université de Tizi Ouzou durant l'année universitaire en cours est de 9% dont 73,3% pour le sexe masculin et 6,7% chez le sexe féminin. La motivation personnelle, selon les étudiants sondés, représente le plus grand pourcentage (49%) par rapport à l'influence du groupe et des amis avec respectivement 15% et 9%. A la question des drogues les plus usitées actuellement chez les jeunes, ces derniers disent préférer en premier lieu le cannabis (44%) suivi de l'ecstasy (37%). Le cannabis constitue le second produit le plus consommé dans le monde après les psychotropes. Il existe sous trois formes : herbe (marijuana, kif), résine (hachich) et huile. Il est soit fumé soit ingéré. Selon les résultats de l'enquête, 7,4% des étudiants consomment du cannabis dont 91.4 % de sexe masculin et 8.6 % de sexe féminin. La tranche d'âge la plus touchée oscille entre 19 et 24 ans. 7,4% des étudiants ont consommé au moins une fois du cannabis dont 94.5% des consommateurs déclarent avoir consommé du cannabis durant les 12 derniers mois précédant l'enquête et 38.5% ont une consommation régulière. Chez 5,5% d'entre eux, la consommation est pratiquement quotidienne. 4,2% de filles consomment de l'alcool D'autre part, les enquêteurs ont constaté que 1,8% des étudiants consomment de la cocaïne dont 88,9% de sexe masculin et 11,1% de sexe féminin. " On note que certains étudiants ont déclaré que le coût élevé de la cocaïne et sa disponibilité sur le marché local constituent un obstacle à sa consommation ", expliquent les enquêteurs qui affirment néanmoins que 44,4% sur 9 étudiants en ont consommé durant les 12 derniers mois, et 39% l'ont fait de 1 à 5 jours au cours des 30 derniers jours de l'enquête. Les tranquillisants, avec 3.9 % d'étudiants sondés, 16,6% disent en avoir consommé au moins durant 1 à 5 jours dans le mois précédant l'enquête. Les substances volatiles (colles, gaz butane) font également partie de la panoplie des drogues utilisées par 3,5 % des étudiants sondés, dont 11,7% ont consommée au moins durant 6 à 19 jours dans le mois précédant l'enquête. L'enquête qui s'est également penchée sur la prévalence du tabac et de l'alcool en milieu universitaire a conclu que 26,1% des étudiants objets de l'étude (83,6 % de garçons et 16,4 de filles) consomment du tabac et 19.8% d'étudiants consomment de l'alcool dont 4,2% pour les filles. Des résultats alarmants qui doivent inciter les responsables à tous les niveaux à se pencher sérieusement sur ce phénomène destructeur de la société.