«C'est un jour historique pour la Libye !», «c'est un tournant décisif». L'accord politique signé jeudi à Skhirat (Maroc) par les membres des deux Parlements rivaux, celui de Tobrouk et celui de Tripoli est assurément le meilleur cadeau de fin d'année qu'on puisse offrir aux Libyens écrasés par un conflit meurtrier sur fond d'une menace terrifiante de Daech. C'est une belle lueur d'espoir qui pointe à l'horizon d'un pays ouvert aux quatre vents et qui s'enfonce chaque jour un peu plus dans l'abîme de la guerre civile. Le nouvel envoyé spécial de l'ONU, Martin Kobler, a eu raison d'afficher le grand sourire au moment de faire signer les deux protagonistes. L'image d'une famille réunie, main dans la main, était belle à voir. Les représentants des deux Parlements semblaient célébrer l'indépendance de leur pays. Et pour cause ! Cet accord va sans doute jeter les jalons d'une réconciliation interlibyenne qui devra s'appuyer sur un gouvernement d'union nationale qui sera mis sur pied d'ici à 40 jours. Sa mission sera de rétablir la paix durant une période de transition de deux ans, et qui devra être ponctuée par la tenue des élections législatives. Cadeau de fin d'année L'accord de Skhirat a été signé par environ 80 des 188 membres du Parlement de Tobrouk (reconnu par la communauté internationale) ainsi qu'environ 50 des 136 députés du Congrès général national (CGN) d'obédience islamiste. Des indépendants, des représentants de partis politiques et des représentants de la société civile et des communes ayant donné leur onction à cet accord. Certes, il y a encore des élus des deux côtés qui n'ont pas encore apposé leurs signatures. Mais c'est déjà un grand acquis de voir au moins le tiers de la représentation du peuple libyen accepter de s'asseoir à la table des négociations et approuver une feuille de route qui semble réaliste et prometteuse. La mise en place sous quarante jours d'un gouvernement d'union nationale est de nature à remettre le processus de réconciliation sur rail alors que le pays est bloqué depuis l'été 2014 face à deux Parlements, deux gouvernements et quasiment deux armées. Et pour éviter toute susceptibilité, l'accord stipule la répartition du législatif entre les deux institutions rivales. Ainsi le Parlement de Tobrouk deviendrait une Chambre des représentants, et celui de Tripoli un Conseil d'Etat. Quant à l'Exécutif, il devrait être à un «Conseil présidentiel» de neuf ministres et toutes ces institutions devraient siéger dans la capitale Tripoli. Les Libyens sont donc bien partis cette fois pour remettre leur pays sur pied et tirer le tapis sous les pieds de Daech qui commence à planter son horrible étendard à Syrte en attendant de marcher sur Tripoli et Benghazi. Les Libyens, notamment leurs représentants qui ont signé l'accord jeudi croisent les doigts pour que leurs collègues des deux Parlements n'opposent pas leur veto comme pour le projet d'accord du mois d'octobre dernier. Cela étant dit, l'envoyé spécial de l'ONU, Martin Kobler, dont c'est le premier coup d'essai d'une possible paix en Libye, a réussi un coup de maître. Tout n'est certes pas encore réglé, mais le soutien franc de la communauté internationale, et de l'Algérie en particulier à cet accord, fruit de 14 mois de négociations interlibyennes, prête à l'optimisme. Un gouvernement dans 40 jours L'avancée inexorable des bataillons du sinistre Daech de retour de Syrie fait craindre le pire. Désormais même ceux parmi les grands pays qui ont tourné le dos à la Libye se réveillent en sursaut pour soutenir l'indispensable pacification de ce pays afin de couper la route à la nébuleuse d'El Baghdadi dans sa volonté de s'offrir le pétrole libyen et partant les armes de guerre les plus sophistiquées et les plus dévastatrices. «C'est un jour historique pour la Libye», a lancé jeudi l'émissaire de l'ONU que la signature de l'accord favoriserait une «assistance étrangère» à la Libye, notamment militaire, pour l'aider à lutter contre le terrorisme. Et à Martin Kobler de préciser : «Une levée de l'embargo sur l'armement requiert un (seul) gouvernement.» Du coup, les Libyens qui veulent en finir avec leurs luttes fratricides, et désormais menacés par Daech, tiennent une belle occasion de bénéficier de l'appui de la communauté internationale. Saleh el-Makhzoum, représentant le CGN, et un des signataires libyens de l'accord, a qualifié l'accord de «tournant décisif (...) sur la vie de la construction de l'Etat et d'un «premier pas vers le rétablissement de la stabilité». Tant mieux qu'il y ait cette prise de conscience des Libyens d'abord mais aussi des puissants de ce monde qui ont longtemps abandonné ce pays après l'avoir détruit dans le sillage du meurtre de manière sauvage de Mouammar Kadhafi. Il faut croire que la vague d'attentats terroristes qui touchent ces pays-là, notamment la France et les Etats-Unis, ne serait pas étrangère. L'adage bien de chez nous : «Ne ressent la braise que celui qui s'assoit dessus» semble se vérifier dans l'attitude laxiste de l'Occident à l'égard du monstre Daech qui n'épargne plus personne. Pour autant, il n'est jamais trop tard pour bien faire a fortiori en Libye.