Aussi bien ses résultats que le processus lui-même, la privatisation des entreprises publiques en Algérie a connu des hauts et des bas. S'il y a eu des exemples de réussite, la privatisation a connu des échecs dans certains secteurs. Lancé au milieu des années 1990 dans le cadre du passage d'une économie dirigée à une économie libérale, le processus de privatisation a fini par être bloqué pour être relancé en 2004. Stoppé conformément aux décisions prises par le gouvernement dans le but de sauvegarder les entreprises et d'en créer des champions, et cela, dans le sillage de la nouvelle devise appelée «patriotisme économique», la privatisation est revenue au cœur de l'actualité avec le passage -forcé- de la loi de finances 2016. Celle-ci qui prévoit dans son article 66 l'ouverture du capital des entreprises publiques a remis au devant de la scène le processus de privatisation, entamé depuis deux décennies, avec ses réussites et surtout ses échecs… Plus d'un millier d'entreprises ont été destinées à la privatisation au milieu des années 2000. Quelques années après, le bilan de ce processus, lancé en grande pompe par Abdelhamid Temmar, dont le nom s'est souvent associé aux privatisations, n'est en réalité qu'un… pétard mouillé. Certaines entreprises, faisant partie des fleurons de l'industrie nationale, n'ont pas résisté quelques années pour être de nouveau «renationalisées». Le complexe d'El Hadjar avait été racheté à 70% en 2001 par l'indien Ispat, qui appartient au groupe Mittal. Plus de dix ans après sa privatisation, ce groupe a été repris par l'Etat, il y a quelques mois. La question qui reste posée est de savoir si cette reprise signifie l'échec de la privatisation de ce complexe ? A en croire certains économistes, la réponse est loin d'être négative. En effet, pour le cas bien précis d'El Hadjar, l'échec s'est traduit dans les performances enregistrées sous le management des Indiens. A titre indicatif, l'Algérie importe pour 10 milliards de dollars de produits sidérurgiques chaque année, l'équivalent de 80% de ses besoins en acier. Le complexe n'a produit que 600 000 tonnes d'acier en 2012, loin de l'objectif de 700 000 tonnes fixé initialement par le groupe. En clair, ce genre de contre-performance n'est jamais tolérable si le contexte économique était porteur et une demande très dynamique d'acier sur le marché local. «Par delà les arguments techniques souvent évoqués, la raison en est que l'environnement et le fonctionnement de l'entreprise ont toujours été contraints par la puissance publique. C'est ainsi qu'en définitive, après ces tentatives et ces échecs, l'Algérie est revenue en 2007 à la mise sous tutelle des entreprises publiques. Or, il est clair que les objectifs de la puissance publique, l'Etat si vous voulez, sont différents de ceux de l'entreprise. Celle-ci cherche l'efficience mesurée par la capacité d'élargir son marché, de créer de la valeur et du profit tandis que l'objectif de l'Etat est toujours, d'une manière ou d'une autre, de nature politique et/ou sociale», a justifié, il y a quelques mois, Abdelhamid Temmar. S'il est vrai que l'échec de processus de privatisation ne concerne pas uniquement le complexe d'El Hadjar, certaines entreprises publiques, de taille moyenne au demeurant, activant globalement dans le secteur agroalimentaire ont réussi leur passage aux mains du privé. L'exemple de la Conserverie de N'gaous, une ancienne filiale du groupe public Enajuc, spécialisée dans la transformation des fruits, montre la réussite d'un processus de privatisation. Le rachat de l'Enad par Heinkel a également le droit de cité. C'est pour dire que ce choix économique, souvent pointé de doigt, permettra aussi bien aux entreprises concernées qu'à l'économie, en général, de se développer et créer la valeur ajoutée tant attendue. «Le retour à la gestion administrée bloque les énergies créatrices. Aussi, la réussite du processus de privatisation est intiment liée à l'approfondissement de la réforme globale elle-même en panne devant, par ailleurs, dynamiser la Bourse d'Alger actuellement en léthargie», a expliqué Abderrahmane Mebtoul dans l'une de ses contributions publiques. Article 66 : l'échec recommencé ? Une chose est sûre : en l'espace d'une décennie, on a assisté à une multitude de scénarios dans le cadre de l'opération de privatisation avec toute sa complexité et toutes ses irrégularités. En effet, on ne peut pas le nier, la privatisation a connu de nombreuses contraintes qui ont fait que le résultat ne soit pas à la hauteur des ambitions affichées !» La privatisation avec un portefeuille d'entreprises souvent déstructurées, possédant un parc machines obsolètes, souvent avec une pléthore de personnel non qualifié, a traîné trop longtemps pour donner les résultats escomptés, selon Lotfi Halfaoui, expert industriel. Et d'ajouter que «la complexité d'un développement économique national, et de surcroît industriel, ne se limite nullement à sa portion "privatisation d'entreprises agonisantes". Le retard mis à identifier une vision globale de notre développement économique en associant impérativement le secteur privé nous handicape à ce jour». Le Forum des chefs d'entreprise (FCE), en appelant à la promotion des capacités nationales publiques et privées, un objectif qui ne peut passer que par l'ouverture à l'initiative privée de tous les secteurs d'activité, sait pertinemment que refaire les mêmes procédés du début des années 2000 ne mènera qu'au même résultat. En résumé, plus de privatisation anarchique ! Avec la loi de finances 2016, la relance du processus de privatisation est bel et bien suggérée dans l'article 66. Toutefois, pour certains experts, en dépit de la volonté des groupes privés de reprendre les entreprises publiques largement déficitaires, le risque de revivre le même topo des années 2000 n'est pas à écarter, sauf si cette démarche est accompagnée par le respect d'un certain nombre de règles, en l'occurrence une bonne gouvernance, la transparence, la rapidité et homogénéité dans les décisions.