L'homme, le cinéaste, mais aussi le combattant, monté au maquis aux côtés des moudjahidine de l'ALN. Il nous a quittés il y a une année, le 4 janvier 2015, à l'âge de 86 ans. René Vautier n'a pas eu l'hommage qu'il méritait. Il y a quelques années, on s'est demandé pourquoi une rue et une salle de cinéma portent son nom en France, alors qu'en Algérie, il n'y a même pas une salle de cinéma baptisée du nom du cinéaste et maquisard René Vautier. La même question revient aujourd'hui, une année après sa mort. Ni le ministère de la Culture ni celui des Moudjahidine ni même la Présidence n'ont pensé à baptiser une institution culturelle ou une salle de cinéma du nom de cet homme qui est monté au maquis et utilisé sa caméra comme un fusil pour lutter contre le colonialisme français. Un seul regret A la question d'un journaliste qui lui avait demandé s'il avait raté des images quand il était au maquis aux côtés des moudjahidine durant la guerre de libération, René Vautier avait répondu : «Oui, c'est l'image de l'eau qui était mitraillée par les balles provenant d'un hélicoptère qui tirait sur un soldat passant une rivière. Avec son fusil, le soldat ripostait en tirant vers l'hélicoptère. J'aurais aimé filmer ces images immortelles. Et puis, le soldat n'était autre que le colonel Belhouchet qui était à l'époque caporal.» Il avait participé à la résistance contre l'Allemagne nazie alors qu'il n'avait que 15 ans. Le petit René décidera de continuer à lutter, mais avec la caméra, une arme qu'il maniera mieux que le fusil et qui fera ses preuves dans tous les combats, car elle laissera des traces pour l'histoire. Après son stage de cinéma à l'IDHEC Institut des hautes études du cinéma (IDHEC ) et l'obtention de son diplôme de réalisateur en 1948, René Vautier est plus que jamais décidé à user de sa caméra pour dénoncer les injustices d'où qu'elles viennent. Le maquisard Il aura fallu que la révolution algérienne explose pour que la France montre au monde son fascisme. Puisque Vautier avait décidé de dénoncer les injustices d'où qu'elles viennent, cette fois, il montrera celles qui venaient de son propre pays, la France. Le militant rejoindra le maquis aux côtés des moudjahidine pour filmer la réalité sur le terrain, au risque de sa vie. Il faut rappeler qu'avant même le déclenchement de la révolution algérienne, en 1950, Vautier avait montré sa position vis-à-vis du colonialisme français en créant la surprise dans un film sur l'enseignement dans les colonies commandé par la Ligue des enseignants. Le film Afrique 50 sera interdit pendant quarante ans et vaudra au réalisateur, qui n'avait que 21 ans, 13 inculpations et une condamnation à la prison. Il en sort en 1952, plus que jamais décidé à continuer sa mission d'anti-colonialiste. Dès le début de la révolution, il décide de dédier un film à ce pays et à cette révolution intitulé Une nation, l'Algérie. Il raconte la véritable conquête de l'Algérie par la France. Les deux copies du film seront détruites par les Français et Vautier est, une nouvelle fois, condamné pour atteinte intérieure à la sûreté de l'Etat à cause d'une phrase dans le film : «L'Algérie sera de toute façon indépendante et qu'il faudra discuter avec ceux qui se battent pour l'indépendance pour éviter que trop de sang ne coule.» Plus tard, le ministre français de la Culture, André Malraux, dira : «René Vautier est un Français qui a vu juste avant les autres.» C'était en 1954, et Vautier, le fils de l'ouvrier et de l'instructrice, avait bien raison. Après sept ans et demi de guerre, l'Algérie a bien fini par avoir son indépendance ! La caméra, une arme efficace René Vautier, qui avait rejoint les moudjahidine dans les djebels, prouvera que sa caméra est également une arme efficace puisqu'il poursuivra le chemin des révolutionnaires à travers les maquis durant la période chaude de 1957 pour sortir son film L'Algérie en flammes en 1958. Après la réalisation de ce film de vingt minutes montrant les guerriers en pleine action, le militant et cinéaste se dirigera vers la frontière tunisienne pour filmer des images exceptionnelles lors des attaques de Saqiet Sidi Youcef. Au lendemain de l'Indépendance, René Vautier continuera de porter son aide à l'Algérie en réalisant Un peuple en marche, un film rappelant le bilan de la guerre d'indépendance et les efforts du peuple pour la reconstruction du pays. Le maquisard à la caméra occupera le poste de directeur du centre audiovisuel d'Alger jusqu'en 1965 et jouera un rôle primordial dans la création et la gestion des cinémas populaires, c'est-à-dire les cinéclubs. Un nouvel appel est lancé pour baptiser du nom de René Vautier une salle de cinéma, comme El Mougar, ou la Cinémathèque d'Alger, ou au minimum une rue. Mieux vaut tard que jamais.