Faute d'avoir le courage d'affirmer qu'ils souhaitent que ça ne se fasse jamais, ils posent la question qui a l'avantage de vouloir dire tout et rien du tout à la fois : pourquoi maintenant ? C'est ainsi qu'«ils» ont réagi à l'officialisation de la langue amazighe dans l'avant-projet de la Constitution révisée. On aurait pu facilement liquider ainsi cette interrogation pour le moins absconse : c'est maintenant parce que ça n'a pas été fait avant. Et comme on ne peut pas remonter vers le passé sans faire dans la politique-fiction et que reporter encore l'échéance serait prolonger un insupportable déni, disons que mieux vaut tard que jamais. Mais les choses ne sont pas aussi simples. D'abord, parce que le pouvoir nous a tellement habitués aux entourloupettes légales qu'on ne peut pas reprocher à quelqu'un de douter de la volonté politique d'aller cette fois-ci à une sincère volonté politique de réparer une injustice historique et de tourner le dos à de longs et souvent douloureux errements par rapport aux questions d'identité nationale, de culture et de langues nationales. Ensuite, a contrario, parce que les choses étant au point où elles sont, on ne peut pas faire un procès d'intention à ceux qui nous présentent aujourd'hui un projet constitutionnel consacrant une revendication qui a été au centre d'un titanesque combat pour plusieurs générations de militants, depuis le mouvement national à nos jours. Bien sûr, on peut toujours spéculer. Sur l'inutile enture du projet qui «précise» que «l'arabe est la langue officielle de l'Etat», sur la pertinence du «contexte» ou sur la volonté politique de traduire dans la vraie vie une disposition constitutionnelle qui n'est pas à l'abri à la désuétude si elle n'est pas accompagnée de moyens nécessaires à sa promotion. Le fait est là tout de même : tamazight est langue nationale et officielle et c'est écrit noir sur blanc dans la Constitution algérienne. Restent ceux qui ont d'autres «priorités». Encore heureux qu'ils en soient arrivés là, le progrès n'est pas négligeable. Parce qu'il n'y a pas si longtemps, ils disaient que tamazight est une invention de la France et ses militants des harkis. D'autres clamaient à l'occasion qu'ils sont berbères pour dire qu'ils ne sont pas kabyles et d'autres encore multipliaient les «recherches» pour démontrer l'origine… arabe de tous les vocables amazighs ! Pour les militants qui ont souffert dans leur chair de l'abominable déni, pour tous les autres qui n'ont pas tous l'âme protestataire mais enduraient la privation dans un silence résigné et enfin pour ceux qui, non berbérophones mais ont intégré la revendication par conviction démocratique, il n'est pas très difficile de mesurer le chemin parcouru. C'est sans doute là l'essentiel de ce qu'on peut retenir de l'officialisation constitutionnelle de tamazight. Slimane Laouari Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.