La relance du projet de révision de la Constitution par la réunion restreinte présidée par le chef de l'Etat remet à l'ordre du jour la question relative au statut de la langue amazighe dans le texte fondamental. Tamazight sera-t-elle officielle, comme revendiquée par la majorité des partis politiques ? Le déni identitaire se poursuivra-t-il en maintenant cette langue «confinée» dans son inutile statut de langue nationale ? Si répondre à ces questions relève de simples suppositions ou de prévisions, en revanche, il est aujourd'hui établi que la classe politique, y compris les partis les plus hostiles à la reconnaissance du fait amazigh il y a quelques années, ont lâché du lest, plaidant aujourd'hui pour l'officialisation de cette langue. Même le FLN, ex-parti unique qui a réprimé la revendication, a fini par faire sienne la cause identitaire. Le parti majoritaire ne s'est pas contenté d'introduire la demande lors des consultations sur la révision consensuelle de la Constitution, conduite par le directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, au lendemain de l'élection présidentielle du 17 avril 2014. Il a aussi inscrit l'officialisation de tamazight dans son programme à l'occasion de son dernier congrès. «C'est le moment ou jamais d'officialiser tamazight», souligne le vice-président de l'APN et mouhafedh du FLN de Tizi Ouzou, Saïd Lakhdari. Ce dernier, qui militait pour que le FLN inscrive la question identitaire dans son programme depuis le temps où Abdelaziz Belkhadem était à la tête du parti, souligne que l'officialisation ne peut plus attendre d'autant plus que la revendication est de plus en plus partagée par l'ensemble de la classe politique et de la société civile. «Tamazight s'affirme comme le ciment de l'unité nationale et son officialisation va la consolider davantage», a-t-il soutenu. Lors des consultations entamées en juin 2014 sous la houlette d'Ouyahia, en vue de la rédaction d'une Constitution consensuelle, quelques points ont fait consensus. A côté du retour à la limitation des mandats présidentiels à deux et l'instauration d'un système semi-présidentiel, tamazight a fait l'unanimité. Et si le pouvoir n'adopte pas ces questions qui ont fait consensus dans la prochaine nouvelle Constitution, il prend le risque de disqualifier les consultations. Ainsi, 35 ans après le Printemps berbère, force est de constater que la revendication de reconnaissance de tamazight est devenue une cause nationale. Elle est portée et défendue, sans aucun tabou, par le FLN, TAJ, le MPA, le PT et même la puissante centrale syndicale, l'UGTA. Cela sans oublier les partis traditionnels qui militent pour cette cause, le RCD et le FFS. Il reste quelques partis islamistes qui s'opposent à la réparation du déni identitaire, choisissant de rater le train en marche de l'Histoire. Depuis le Printemps de 1980, tamazight n'a cessé d'arracher des acquis grâce aux sacrifices des enfants de la Kabylie. En 1995, elle a été introduite à l'école après une année scolaire blanche. En 2012, elle a été reconnue comme langue nationale dans le sillage des douloureux évènements du Printemps noir de 2001. Tamazight a gagné des espaces dans les médias, la littérature et dans les institutions de la République. Il ne lui reste donc que l'officialisation pour recouvrer tous ses droits et prendre sa véritable place dans la société. Révolu à jamais le temps où tamazight était proscrite, y compris dans les rue d'Alger. Le temps est à son officialisation. Si l'engagement du pouvoir d'élaborer une Constitution consensuelle à travers les consultations d'Ouyahia est respecté, il ne ferait aucun doute que tamazight sera officielle dans le prochain texte fondamental.