La langue amazighe, à laquelle est réclamé le statut de langue officielle, fait partie des rares langues ayant échappé à l'érosion du temps. En 35 ans, elle est passée du déni intégral à une possible promotion constitutionnelle. La perspective de la révision de la Constitution relance de manière fort appuyée la revendication de l'officialisation de la langue amazighe. L'idée, en tout cas, fait débat, pour ne pas dire consensus parmi les acteurs politiques et militants associatifs. On en parle même dans les chaumières. Finie donc l'occultation de la question amazighe comme problématique politique nationale. D'ailleurs, même les plus acharnés d'entre les opposants de jadis à la reconnaissance du fait amazigh, identité, langue et culture, ont fini par se libérer du dogme qui leur faisait téter la mamelle d'un "unicisme" dangereusement réducteur. Cette évolution ne peut qu'être salutaire pour une identité et une langue qui ont connu l'un des plus longs et terribles dénis. C'est un miracle d'ailleurs que la langue, qui s'est transmise de génération en génération, depuis la nuit des temps, ait survécu jusqu'ici, malgré les dominations et l'usure du temps qui passe. Un miracle qui ne pourra pas se renouveler éternellement, tant est que le réflexe de résistance qui a permis sa sauvegarde risque de n'être d'aucune efficacité face aux "invasions" linguistiques que l'avancée technologique a rendu possibles. Le salut de la langue passe peut-être par son officialisation, entendue surtout comme effort de l'Etat pour sa promotion. Officialisation ? Tamazight y est presque, mais ce n'est toujours pas le cas. Cependant, la revendication a fait du chemin. Indéniablement. Portée à bras-le-corps par des générations de militants bénévoles et désintéressés. Depuis 35 ans, elle est passée du déni absolu à une possible officialisation. La langue a déjà pris place comme langue de communication. Elle est dans les médias, notamment dans l'audiovisuel public. Un site lui sera dédié prochainement par l'Agence de presse officielle (APS). Mais, que de sacrifices, pour cela ! Rétrospective. Avril 1980. Situation de tension extrême entre le pouvoir et les populations de Kabylie notamment qui se mobilisaient de plus en plus autour de la revendication identitaire et culturelle et les droits de l'Homme, de manière générale. L'Algérie officielle croyait avoir définitivement réglé les questions linguistique et identitaire à travers la Charte nationale votée par référendum quatre années plus tôt, le 27 juin 1976, plus précisément, et qui réaffirmait que la langue arabe est la seule langue nationale et officielle du pays. Ce déni de reconnaissance de statut à la langue amazighe sera reconduit dans la Constitution du 19 novembre 1976. Le pouvoir faisait une erreur d'appréciation qui le forcera, en dépit de sa résistance, à lâcher du lest. Les manifestations d'Avril 1980 à Tizi Ouzou, et qui se sont propagées aux différentes villes et villages de Kabylie, ont, en effet, posé le jalon pour un combat identitaire et linguistique qui ira se renforçant jusqu'à aboutir, en 2002, à la reconnaissance constitutionnelle de tamazight comme langue nationale et l'amazighité intégrée au binôme arabité-islamité pour composer le triptyque identitaire arabité-amazighité-islamité. Il aura fallu, pour cela, que des partis politiques et des associations y militent sans relâche, que la Kabylie s'embrase de nouveau en 2001 et opère, sous la houlette du mouvement des archs, une déferlante populaire sur la capitale. Il aura fallu aussi la grève du Cartable d'une année et qui s'était soldée par l'introduction de tamazight dans l'enseignement, toujours facultatif, malheureusement, faut-il le noter. S. A. I.