Aïda Guechoud, tout le monde l'a connaît, mais plus personne n'entend parler d'elle. On ne la voit plus. Elle a disparu des écrans depuis très longtemps. Elle dit, que c'est de la faute «de réalisateurs pas très sérieux». Nous l'avons rencontrée et elle a laissé sa colère exploser contre ceux qui déforment le métier. Au cinéma comme au théâtre, des comédiens, sont livrées aux états d'âmes et à la bonne volonté des metteurs en scène, selon elle. L'actrice n'avait que 17 ans lorsqu'elle a tourné dans El Harik, le feuilleton signé Mustapha Badie dans les années 1970, aux côtés de Chafia Boudraâ, Amar Ouyakoub, Biyouna et bien d'autres comédiens de renom qui ont fait la gloire de l'adaptation d'un des romans de la trilogie de Mohamed Dib, l'Incendie. Aïda, qui est aujourd'hui grand-mère, a à son actif près d'une centaine de films dont l'un des derniers, Les Ailes brisées, dans lequel elle a joué aux côtés du regretté Sid Ali Kouiret. Des débuts heureux Formée à la chorale de la télévision algérienne par des professeurs égyptiens et algériens, ainsi qu'au conservatoire d'Alger, Aïda a débuté son parcours artistique en chantant des mouachahat arabes et andalouses. «On étudiait à l'Institut national de musique, en face du Théâtre national algérien (TNA) et non à l'Institut national supérieur de musique (INSM). On nous apprenait les bases de la langue arabe, la diction…», s'est remémorée Aïda. A cet âge, Aïda est une brillante jeune fille bourrée de talent avec les yeux plus gros que le monde. Elle ne s'était pas contentée de faire de la chorale mais a tenu à se forger en intégrant le conservatoire communal d'Alger, dont sont issus les plus grands artistes algériens, à l'instar d'Azzedine Medjoubi, Nadia Talbi, Arslane… «Nos professeurs de l'époque, nous formaient dans les arts dramatiques. Ils nous ont ouvert la porte de la chanson universelle. À cette époque, je voulais apprendre le chant lyrique, la déclamation, jouer et parler en même temps comme dans les comédies musicales», nous dira Aïda. On est au début des années 1970. C'est là que démarre la carrière professionnelle de Aïda Guechoud. «De mon temps, les réalisateurs choisissaient leurs acteurs avec beaucoup de minutie. Ils nous prenaient chacun à part et discutaient normalement avec nous, sans nous intimider. Pour moi, ils étaient presque des psychologues. Ils analysaient tous nos faits et gestes, et savaient pour quel rôle on était fait ou pas», fera savoir l'actrice avec beaucoup d'émotion. Elle témoignera de «la chance» qu'elle a eue en côtoyant de grands acteurs et réalisateurs tout en se remémorant la première pièce théâtrale qu'elle a jouée. «C'était à El Mougar en 1972. Une pièce de Athmane Ariouet, mon confrère au théâtre qui m'avait choisie à ses côtés avec Hmida Adjaimi», a-t-elle souligné. Après de belles expériences à l'écran et sur les planches du théâtre, et de retour d'un voyage de formation en Orient, Aïda Guechoud prend sa vie en main, se marie, fonde une famille et voit l'arrivée de sa petite Akila. Cette dernière n'avait qu'un an lorsque Aïda tournait la suite d'El Harik (Intihar), où elle décède dans le film. «Beaucoup de producteurs m'ont remarquée à cette époque et faisaient appel à moi, mais ayant une famille, un enfant en bas âge et des responsabilités, je ne pouvais tout accepter. Youssef Chahine a fait appel à moi pour jouer dans le Retour de l'enfant prodigue. Il voulait une jeune femme qui chante aussi bien qu'elle joue la comédie, et je correspondais aux critères. Cependant, je ne pouvais accepter car dans le film il y avait des scènes que je n'aurais pu jouer, en plus étant mariée, ce n'était pas convenable», nous dira-t-elle. Ces dernier temps, Aïda Guechoud se retire petit à petit des écrans, non pas parce qu'elle ne veut plus tourner de films, mais tout simplement parce que les réalisateurs ne font plus appel à elle. «Des réalisateurs sans étique» Son charme naturel et son jeu maternel manquent dans les productions nationales. «Une réalisatrice française m'a donné un rôle récemment dans son film. Je devais jouer le rôle d'une mère qui, à force de chercher son fils, finit par se droguer et meurt ainsi. Je ne pouvais accepter un rôle pareil. J'ai tout simplement répondu à la réalisatrice, pourquoi vous voulez salir l'image de la femme algérienne ?», dira Aïda. Et de renchérir : «Pourquoi je n'accepte pas de jouer ? Pour deux raisons. La première, le réalisateur fait appel à toi puis s'éclipse et ne donne aucune suite. La deuxième, tu commences le tournage un film avec lui et à la fin, il ne te paie pas. On n'a jamais eu de problèmes avec les réalisateurs auparavant. Ces derniers respectaient les artistes. Dès qu'on débutait un tournage, ils nous remettaient nos contrats en même temps que les scénarios. Maintenant, le comédien ou l'acteur se retrouve à faire l'aumône pour avoir son droit. C'est pour cela que je ne joue plus. Et c'est malgré moi... j'aime mon métier, j'aime ce que je fais. Récemment, j'ai tourné avec un réalisateur originaire de Mekla en Kabylie, M. Arab. Il fait un beau film sur l'histoire de la Kabylie. Le film est presque fini, il ne me restait qu'une seule séquence à jouer. Malheureusement, M.Arab est parti en France sans donner de nouvelle. J'entends dire qu'il est malade, personne ne sait ce qu'il a. Il devait nous envoyer nos contrats par e-mail, mais rien n'a été fait. Il ne nous a même pas appelés pour s'excuser de cette triste situation», déplore Aïda Guechoud avec beaucoup d'amertume. «Les réalisateurs d'aujourd'hui demandent de l'argent aux ministères, au Fonds de développement de l'art et de la technique de l'industrie du cinéma (Fdatic) afin que leurs films soient subventionnés. Quant aux acteurs, qui font le film, ils ne sont tout simplement pas rémunérés, ou alors ils te donnent une somme minable. Fatiha Berber n'a jamais été payée. Aujourd'hui, elle est décédée. Il n'y a plus d'honnêteté ni de dignité dans le cinéma. L'argent a pris la place d'un travail propre et bien fait. C'est ainsi que la culture est morte, c'est devenu du trabendo. Alors on résiste (nif ou lakhssara)...», a-t-elle déclaré.