Arrivé jeudi dans la capitale égyptienne, le président américain Barack Obama a choisi l'université du Caire, un lieu hautement symbolique, pour prononcer son discours tant attendu à l'adresse du monde arabo-musulman. Devant un auditoire de plus de 2000 personnes, Barack Obama annonce à la communauté musulmane une politique de rupture avec l'administration Bush et l'invite, à cet effet, à «prendre un nouveau départ fondé sur l'intérêt et le respect mutuels.» La guerre à l'extrémisme et non à l'Islam L'orateur admet, dès le début de son discours, que les relations entre son pays et le monde musulman connaissent actuellement un moment de grande tension. Des facteurs historiques et politiques font qu'aujourd'hui «les musulmans voient dans l'Occident un élément hostile aux traditions de l'Islam», regrette le président américain ; et de souligner que l'extrémisme religieux n'a fait qu'«exploiter ces tensions auprès d'une minorité de musulmans qui, pour être réduite, n'en est pas moins puissante». Il reconnaît, en outre, que la politique menée par les Etats-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, et qui a jugé «l'Islam inévitablement hostile non seulement à l'Amérique et à l'Occident mais aussi aux droits de l'homme» a, selon lui, accentué la peur et la méfiance entre les deux peuples. Le leader de la première puissance mondiale insiste, à cet effet, sur la nécessité de lutter contre les stéréotypes qui ne font qu'attiser les conflits et réfréner le processus de dialogue : «J'estime que c'est de mon devoir de président des Etats-Unis de combattre les stéréotypes négatifs de l'Islam où qu'ils se manifestent. Or ce même principe doit s'appliquer à la façon dont l'Amérique est perçue par les musulmans. Tout comme les musulmans ne se résument pas à un stéréotype grossier, l'Amérique n'est pas le stéréotype grossier d'un empire qui n'a d'autre intérêt que le sien», affirme Barack Obama. Le président américain, revenant sur la question du terrorisme, affirme qu'un travail en commun entre musulmans et américains s'impose pour «faire face ensemble aux tensions». A ce propos, il réitère que l'Amérique n'est pas et ne sera jamais en guerre contre l'Islam.» En revanche, la lutte contre l'extrémisme est, selon lui, une nécessité indiscutable : «Nous rejetons ce que rejettent les gens de toutes confessions : le meurtre d'hommes, de femmes et d'enfants innocents. Et il m'incombe d'abord, en tant que président, de protéger le peuple américain». Et d'affirmer, à ce propos, que la présence américaine en Afghanistan constitue «une nécessité et non un choix» puisqu'il s'agit d'un pays qui abrite encore des cellules d'Al Qaïda qui menace la sécurité et la vie du peuple américain, mais aussi celle des Afghans. Quant à la présence des troupes américaines en Irak, Obama, en assurant que son pays n'y a aucune revendication territoriale, réitère son engagement à en retirer ses troupes de combat d'ici à l'année 2012. Ces déclarations, jugées pour le moins sympathiques à l'égard de la communauté musulmane, ne sont pas sans valoriser et mettre en évidence la politique de rupture entreprise par Barack Obama par rapport à son prédécesseur. En effet, personne n'oublie le discours hostile et agressif prononcé par le président Georges W. Bush au lendemain du 11 septembre 2001 : «Vous êtes soit avec nous, soit contre nous», avait-il martelé. Le terme «croisades», faut-il le rappeler, revient dès lors souvent dans les discours de l'ex-locataire de la Maison-Blanche. Ce qui traduisait une politique de guerre sans merci et d'hostilité permanente à l'égard de tous les pays musulmans qui manifestent une quelconque réserve à sa campagne antiterroriste. Le contraste entre ces propos discriminatoires et ceux prononcés jeudi par Barack Obama annonce donc une nouvelle ère dans les rapports américano-musulmans. La paix au Proche-Orient Abordant la question du conflit israélo-palestinien, le président américain, tout en rappelant les liens forts et historiques liant son pays à l'Etat hébreu, s'est montré déterminé à répondre aux aspirations des deux parties. Pour ce faire, il exclut rigoureusement la solution de la violence et y substitue celle du dialogue. Il affirme, à cet effet, que les Etats-Unis soutiennent les aspirations «légitimes» du peuple palestinien à un Etat, soulignant que le conflit israélo-palestinien ne se résoudra que par la création de deux Etats «où Israéliens et Palestiniens vivront chacun, dans la paix et la sécurité». Et d'affirmer, sous les applaudissements de l'auditoire, qu'il s'y engageait personnellement. Démocratie, liberté de croyances et liberté de la femme Barack Obama a tenu à revenir sur le sujet de la promotion de la démocratie qui a connu, dit-il, une large controverse au cours des dernières années, «controverse essentiellement liée à la guerre en Irak». Il déclare à ce propos qu'«aucun système de gouvernement ne peut ou ne devrait être imposé par un pays à un autre». Cependant, il estime que la démocratie est étroitement liée aux droits de l'homme et que tous les peuples «aspirent à certaines choses : la possibilité de s'exprimer et d'avoir une voix dans la façon dont ils sont gouvernés ; la confiance en l'Etat de droit et l'application équitable de la justice ; un gouvernement qui est transparent et qui ne vole pas ce qui appartient à son peuple ; la liberté de vivre selon leur choix» et d'assurer que sans ces droits fondamentaux, «les élections ne créent pas une démocratie à elles seules». «La foi doit nous unir», c'est la phrase-phare de la partie du discours consacrée à la liberté de croyance. Le président américain estime que la diversité des religions constitue une richesse qu'il faut préserver contre toute sorte d'extrémisme et de division. Il cite, à titre d'exemple, le conflit entre sunnites et chiites qui, déplore-t-il, «a provoqué des violences tragiques, tout particulièrement en Irak». Et d'insister sur la sacralité de la liberté de religion, corollaire, selon lui, de tolérance et d'ouverture. Pour ce qui est des droits des femmes, le président américain dit rejeter les jugements émis à l'égard de certaines femmes préférant suivre le modèle traditionnel tant qu'il s'agit de «leur choix propre». Et de revenir sur la sacralité indiscutable du droit à l'éducation du sexe faible : «Les Etats-Unis œuvreront en partenariat avec tout pays à majorité musulmane pour améliorer l'alphabétisation des filles. Nous aiderons aussi les jeunes femmes à faire la transition de l'école au monde du travail par l'intermédiaire du microfinancement qui permet aux gens de réaliser leurs rêves», promet-il. Economie et mondialisation : enjeux et intérêts communs Affirmant que progrès et tradition ne sont pas forcément contradictoires, le président américain mise sur un partenariat économique durable entre les Etats-Unis et le monde musulman. Selon lui, les richesses de la terre ne peuvent être les seuls appuis au développement économique car, affirme-t-il, l'ère est à l'élargissement des perspectives économiques. «L'éducation et l'innovation sont la monnaie d'échange du 21e siècle», affirme-t-il. Barack Obama annonce, à cet effet, que son gouvernement œuvrera pour l'élargissement «des programmes d'échange et l'augmentation des bourses… Tout en encourageant davantage d'Américains à étudier dans des communautés musulmanes, nous offrirons à des étudiants musulmans prometteurs des stages aux Etats-Unis…» Dans le domaine du développement économique, l'orateur semble avoir un vaste programme, notamment en ce qui concerne le partenariat avec le monde musulman : «Je vais accueillir un sommet sur l'entrepreneuriat cette année pour trouver les moyens d'approfondir les liens entre les leaders du monde des affaires, les fondations et les entrepreneurs sociaux des Etats-Unis et des communautés musulmanes à travers le monde.» «Ensemble pour un monde meilleur» Le discours du président américain Barack Obama prend fin sur une note d'émotion, devant un auditoire qui semble avoir été entièrement conquis. Obama réitère son espoir que musulmans et Américains s'unissent pour «réaliser le monde auquel nous aspirons. Un monde où les extrémistes ne menacent plus notre pays et où les soldats américains sont rentrés chez eux, un monde où les Palestiniens et les Israéliens vivent chacun en sécurité dans un Etat qui leur est propre et où l'énergie nucléaire est utilisée à des fins pacifiques, un monde où les gouvernements servent les intérêts de leurs citoyens et où les droits de tous les enfants de Dieu sont respectés. Tel est le monde auquel nous aspirons et nous n'y parviendrons qu'ensemble.»