Envoyé spécial du monde diplomatique à Alger en décembre 2002 pour y faire une enquête sur la délivrance des visas français, Maurice Tarik Mashino est revenu pour écrire L'Algérie retrouvée, un bel ouvrage édité par l'Anep. Cet ancien professeur et écrivain avait quitté l'Algérie en 1971 pour revenir avec un nouveau regard, plein d'inquiétude, de déception, d'espoir et de nostalgie. «Disparue l'inquiétude que j'éprouvais à Paris. Sur le moment, lorsqu'on décida au monde diplomate, qu'une enquête sur la politique française des visas exigeait que j'aille voir sur place ce qu'il en était - ce fut presque un cri du cœur - et revins tout joyeux l'annoncer à Fadhela, qui ne partagea pas mon enthousiasme», écrit-il. En parcourant les villes d'Algérie, notamment celles qu'il a connues, telles Alger, Oran et Skikda, le souvenir du jour où il a quitté l'Algérie avec sa femme, Fadhéla, resurgit. Ecrit dans un style plutôt journalistique, ce livre de 242 pages est structuré selon les séjours qu'il a passés en Algérie. Des retrouvailles, des amis, des lieux, des moments qu'on partage, des rêves et de la nostalgie qui nous guette. «Tout près, une ville complice qui m'a lancé quelques signes de reconnaissance. Autour de moi, des passagers qui ne me prêtent aucune attention se bousculent, font tomber des couffins, s'excusent en riant, et que les hôtesses prient fermement, de rester assis jusqu'à l'arrêt total de l'appareil», rapporte-t-il. La vie des citoyens Il aborde également le paysage de la presse algérienne où il dit : «C'est un plaisir de s'arrêter devant un kiosque, de constater l'abondance des publications, en arabe et en français (…), cette presse soulève-t-elle bien des questions, mais elle a le mérite d'exister.» L'auteur aborde les questions de l'éducation, des soins, de la vie des citoyens qu'il a rencontrés. Avec ce nouveau regard et après trente ans loin d'Alger, ce jour lui procure aussi des déceptions. «Oui, Alger a changé dans son apparence comme dans sa population. En 1971, j'ai quitté une ville, je retrouve un gros bourg. Si les quartiers riches, sur les hauteurs, ont toujours belle allure - derrière de hauts murs bordés d'arbres, on devine plus qu'on ne voit, tant il importe de ne pas étaler sa fortune, des villas cossues, le centre est devenu un marché où l'on croise une majorité des gens qui s'emblent tout récemment arrivés de la campagne.» A travers cet ouvrage, Maurice T. Mashino livre toutes ses impressions sur l'Algérie et les amis qu'il a connus. Il écrit sur le choc qu'il a ressenti dès son retour, mais surtout sur ses retrouvailles avec ses anciens élèves. La continuité Dans un entretien au Nouvel Observateur, il dit : «Ce qui m'a frappé, c'est que j'ai éprouvé un sentiment de continuité et pas du tout de coupure. D'une certaine manière, j'ai eu le sentiment, grâce a eux, de n'être jamais parti. Et au-delà de mes émotions, j'ai regardé l'Algérie de plus prés.» Maurice T. Mashino est professeur de philosophie, il a enseigné à l'université d'Alger jusqu'en 1971. Militant pour l'indépendance de l'Algérie, il a épousé une Algérienne. Il a publié une vingtaine d'ouvrages dont le Refus, Après vous, Monsieur et les Femmes et le Pouvoir. L'Algérie retrouvée porte un autre regard sur ce pays qu'on a quitté et qu'on découvre : un livre de nostalgie, d'inquiétude et d'espoir.