C'est un véritable procès que le président de Talaie El Hourriyet, Ali Benflis, fait contre la nouvelle Constitution, adoptée dimanche dernier par le Parlement. En présentant hier au siège de sa formation à Alger son Livre Blanc «sur les desseins inavoués, les objectifs véritables et le caractère foncièrement inutile de cette révision constitutionnelle», Ali Benflis a exprimé son rejet de la loi fondamentale dans le fond et dans la forme. Pour un homme politique qui centre son discours sur «la vacance du pouvoir» et «l'illégitimité des institutions de la base jusqu'au sommet», une telle position ne constitue guère une surprise. Pour lui, cette révision constitutionnelle, qui n'a été «ni consensuelle, ni rassembleuse», ne change rien de fondamental ou d'essentiel à la nature du système politique algérien. L'ancien chef de gouvernement estime que «la révision constitutionnelle n'est qu'un autre jeu du sérail», «qu'elle est foncièrement inopportune et inutile et qu'elle est destinée seulement à différer le règlement de la crise du régime et non à la résoudre». Il dénonce le renforcement du pouvoir personnel du président de la République, qualifiant le système politique prôné par le Texte d'«hyper-présidentialiste». «Le Livre Blanc montre clairement qu'avant comme après la révision constitutionnelle, le système politique algérien est personnalisé à l'extrême, qu'il est bâti sur le culte de l'homme providentiel, qu'il est autocratique et qu'il est totalitaire», a-t-il soutenu. «Avant comme après la révision constitutionnelle, notre régime politique ne relève toujours pas d'un régime de séparation des pouvoirs ou d'un régime d'équilibre des pouvoirs. Il reste un régime de concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul homme», a-t-il encore appuyé. Par deux fois malheureux candidat à des élections présidentielles face à Bouteflika (2004 et 2014), Ali Benflis affirme que «le mal profond dont souffre notre pays n'est pas dans la Constitution, mais dans le système politique lui-même, c'est-à-dire dans la mentalité, la culture, les pratiques et les comportements de ce système qui croit fermement que sa place est au- dessus de la Constitution et des lois de la République-. Il défend que «sans une refondation du système politique algérien, les révisions constitutionnelles sont de nul effet». «C'est l'Etat de droit qui confère à la Constitution sa sacralité, c'est lui seul qui impose son respect. En l'absence de l'Etat de droit, la Constitution n'a ni sens ni substance ; elle n'est que la devanture du non-droit», expliquera-t-il. Benflis ne se contente pas de «démolir» le contenu de la nouvelle loi fondamentale, il critique aussi le processus de son adoption. Il a déploré le fait que «le processus de révision constitutionnelle a été d'une durée exceptionnelle». «Je suis persuadé qu'il a battu tous les records de longévité comparativement à des processus similaires conduits par d'autres pays du monde. En effet, en bien moins de cinq ans, d'autres pays ont convoqué des constituantes et ont adopté des Constitutions entières et n'ont pas seulement procédé à des révisions constitutionnelles limitées», a-t-il argué. Il dénonce également l'exclusion du peuple de l'intégralité du processus de révision constitutionnelle. «Je sais pertinemment que notre peuple, qui est loin d'être aussi naïf ou indifférent que certains croient, est parfaitement conscient de ce qu'il n'a rien à attendre de cette révision constitutionnelle et qu'il est intimement convaincu que cette révision constitutionnelle n'a jamais été conçue pour aider notre pays à sortir de l'impasse politique, économique et sociale vers laquelle le régime politique en place l'a mené», a-t-il dit.