Le président du parti Talaiou El Houriyet, Ali Benflis Il explique que ce texte a été le fruit d'un processus «opaque et des objectifs inavoués et inavouables». Le président du parti Talaiou El Houriyet, Ali Benflis, a relevé hier, lors de la présentation de son livre blanc, «Le coup de force constitutionnel» que le texte du projet de révision constitutionnelle «ne comporte pas que des ajouts, mais aussi des suppressions omises par le directeur de cabinet de la présidence de la République lors de la présentation du projet». «Il s'agit notamment des articles 122 et 123. De ce fait, le Plan national et la Sécurité nationale ont été extraits du domaine législatif et passent au domaine réglementaire réservé au président de la République». L'article 20 relatif à l'expropriation a été amputé du terme «préalable», l'alinéa 7 de l'article 77 a été également supprimé, etc. A travers son plaidoyer, il a battu en brèche et le contenu et les objectifs annoncés de cette révision. Il estime que «les deux dernières révisions (2008 et 2016) ont une seule vision: le renforcement du pouvoir personnel à vie, et un seul cap, celui de la concentration des pouvoirs, et une seule finalité, celle d'éloigner le système politique de toute séparation ou équilibre des pouvoirs et l'amener à se confondre avec le pouvoir absolu d'un seul homme». Pour Benflis, cette révision constitutionnelle «n'est ni consensuelle ni rassembleuse comme le souhaitaient ses auteurs». Cette révision a servi, poursuit-il, «à constitutionnaliser deux cultes fondateurs du régime qui sévit depuis 10 ans: le culte effréné de la personnalité et celui de l'homme providentiel». Ainsi, déplore-t-il: «Les rares acquis démocratiques des Constitutions de 1989 et de 1996 ont été balayés d'un revers de la main et toutes les institutions républicaines ont été réduites à des excroissances du pouvoir personnel». Le livre blanc se veut «une initiative pour montrer à l'opinion publique que la révision de la Constitution est inopportune et inutile en ce qu'elle ne répond à aucune demande et ne traite pas l'impasse politique actuelle», selon ses auteurs. «La crise politique relève plus de la nature du système que d'imperfections de la Constitution», dit-il. Manque de légitimité Ce livre soulève aussi trois problématiques fondamentales: «Une vacance manifeste du pouvoir, face à laquelle, la Constitution précédente a été empêchée d'apporter une solution et la Constitution révisée n'est d'aucun secours.» L'institution présidentielle qui en a pris l'initiative et le Parlement qui l'a avalisée sont «notoirement en manque de légitimité». La crise du régime se manifeste outre «par la vacance et l'illégitimité des institutions, par l'accaparement du centre de la décision par des forces extra-constitutionnelles», est-il relevé. «Cette révision est le fruit d'un processus opaque et des objectifs inavoués et inavouables», affirme-t-on. Il a rappelé que «l'annonce de cette révision, le 15 avril 2011, n'avait pour seul but que de prémunir ce régime contre l'effet contagieux des révolutions arabes. Dès lors que les révolutions arabes ont reculé, le régime qui a senti que l'orage était passé sans l'atteindre, renonce aux concessions et modifie radicalement les objectifs de la révision constitutionnelle». Cette révision «a exclu le peuple», qui est le premier pouvoir constituant, un pouvoir qu'il exerce à travers le référendum et par l'intermédiaire de ses représentants élus démocratiquement, non grâce à un dispositif de fraude. Or, «l'absence du peuple souverain dans son élaboration et son approbation frappe cette révision du sceau de l'illégitimité». Plus précis, il souligne que «les deux partis (FLN, RND) réunis, totalisent un taux de représentation d'à peine 8,53%, fraude comprise». «La majorité présidentielle avec un peu plus de 2 millions de voix atteint à peine 10% des inscrits. Faire adopter ce projet par le Parlement constituait un déni vis-à-vis du peuple», a-t-il fait savoir. Au vu des jugements prononcés par les partis politiques - et pas seulement de l'opposition - par les Organisations nationales agissant dans le domaine des droits de l'homme, par un grand nombre de mouvements de la société civile, en général, par la communauté nationale établie à l'étranger, par des médias et par un grand nombre de personnalités du monde académique, «il est légitime de conclure que cette révision constitutionnelle n'a été ni consensuelle ni rassembleuse comme le souhaitaient ses auteurs». La sous-citoyenneté des binationaux Ainsi, dit-il «imbu de pouvoir personnel sans limites, le régime a choisi l'approche du coup de force pour faire passer la révision constitutionnelle». Le pouvoir judiciaire est totalement soumis à l'Exécutif, un Conseil constitutionnel toujours dépendant, sont des aberrations constatées. Il est question aussi de la constitutionnalisation univoque de la Réconciliation nationale, de l'Unité nationale fragilisée, de la sous-citoyenneté des Algériens établis à l'étranger, des libertés fondamentales étroitement encadrées, de renforcement factice du rôle de l'opposition, d'un déséquilibre des pouvoirs accentué, un dispositif de contrôle des élections tronqué et la profusion démagogique des conseils consultatifs. «Entre les intentions, les voeux pieux du régime et la réalité, il y a un fossé infranchissable», a-t-il commenté. A ce propos, Benflis a mis en exergue la promesse relative à la régularité et la transparence des processus électoraux annoncée. «L'idée même d'une telle autorité terrifie le pouvoir, car il y voit une menace mortelle pour lui. Et il a raison, car ce régime politique ne peut survivre sans la fraude électorale qu'il a érigée en véritable système mis entre les mains d'un appareil politico-administratif qui fait des élections ce que bon lui semble.» «L'instance que prévoit la révision constitutionnelle n'est ni haute ni indépendante. Elle n'est pas haute, parce qu'il y a plus haut qu'elle: l'appareil politico-administratif qui prépare, organise et encadre les élections et le Conseil constitutionnel aux ordres de l'institution présidentielle qui peut toujours préempter ou défaire ce qu'elle fait.» «Elle n'est pas indépendante parce qu'elle est doublement dépendante du choix et de la nomination qui relèvent aussi du pouvoir présidentiel discrétionnaire.» Ainsi, «après que la loi électorale en vigueur ait donné naissance à deux commissions de surveillance des élections qui se sont révélées des instruments de couverture de la fraude, voilà que cette même couverture de la fraude est constitutionnalisée à travers la prétendue haute instance indépendante de surveillance des élections. En conséquence, l'appareil politico-administratif fraudeur reste seul maître des processus électoraux. «Autant dire que la fin de la fraude électorale n'est pas pour demain», a-t-il conclu.