Préserver une source d'eau dans le Djurdjura, c'est garantir la continuité de plusieurs espèces de faune et de flore. En d'autres termes, assurer le maintien de l'écosystème. Il s'agit là d'une vision que devraient avoir les pouvoirs publics qui, pour les besoins d'alimenter les populations en potable, ont procédé au captage des sources. Cela s'est passé sur les deux versants du Djurdjura. Mais ces captages, selon Youcef Meribai, directeur du parc national du Djurdjura (PND), «n'ont pas suscité les précautions scientifiques et techniques pour assurer une équité pour la cohabitation entre l'être humain dans son milieu rural et les hôtes originels, notamment les espèces animales et végétales qui s'y trouvaient bien avant lui». Pour assurer une véritable équité, la réglementation du parc national du Djurdjura stipule que 30% du volume de l'eau captée doit être lâché dans la nature dans les périodes de disette qui s'étalent de juin à septembre. Le manque d'eau dans les zones montagneuses peut s'avérer dévastateur et compromettre l'évolution naturelle de l'écosystème, selon le directeur du PND. «Une fois ces ressources en eau captées, notamment dans les tranches situées au-delà de 1000 mètres d'altitude, il y a beaucoup d'espèces, de cheptel, etc., contraints d'émigrer continuellement vers des localités à proximité des apports d'eau situés beaucoup plus en aval», dit-il. Cela peut se vérifier dans le Djurdjura. Plusieurs sources d'eau situées en altitude se sont taries ou affaiblies ces dernières années. Menace sur la faune et la flore Par conséquent, des habitats naturels de plusieurs espèces sont détruits. La chaîne alimentaire risquerait de s'interrompre et bien des espèces pourraient disparaître. Ainsi, le captage des sources empêche la faune de s'abreuver et la contraindre à s'orienter vers les endroits situés à proximité des habitations où elle s'exposerait à de multiples risques. D'après M. Meribai, ces dégâts ont été constatés après l'étude réalisée par le PND sur le singe magot en 2012. «On a constaté un fait très marquant et très contraignant qui a donc contribué à la production du comportement du singe magot vis-à-vis des zones d'habitation et agrosystèmes», a-t-il souligné. Concernant les impacts négatifs que peut engendrer la mobilisation des ressources en eau situées dans le parc national du Djurdjura, M. Meribai affirme que cela «portera atteinte à la continuité de toutes les espèces, notamment les insectes et tous les bestiaux qui ont une dépendance directe avec les apports en eau, et un impact négatif également sur le maintien de l'apport en eau de qualité pour desservir l'eau minérale des agglomérations et villages situés en aval». Outre les différentes espèces animales et végétales dont regorge le massif du Djurdjura, et dont la vie est dépendante de l'eau, l'agriculture de montagne se trouve, elle aussi, pénalisée. Les jardins et potagers cultivés en montagne, qui assurent le maintien des produits du terroir, sont sur le point de disparaître. «Cette eau permet aussi la préservation les origines phylogénétiques des espèces dans leurs territoires, notamment les tomates, les courges, citrouilles, etc.», a déclaré le directeur du PND. Ce dernier lance un appel de maintenir un taux de 30% comme écoulement naturel pour les besoins d'abreuvement de la faune sauvage et du cheptel, etc. Un château d'eau naturel Le directeur du PND évoque aussi la caractéristique géologique du Djurdjura qui est un territoire à constance karstique par excellence. «C'est une géologie de karst qui fait du Djurdjura un château d'eau naturel qui emmagasine les eaux pendant les périodes de forte pluviosité et qui les restitue ensuite avec une qualité extraordinaire, limpide et propre, à travers les sources, les écoulements de surface, mais aussi à travers les résurgences réparties sur les deux versants et sur différentes altitudes», explique-t-il. La préservation des ressources en eau de montagne et leur exploitation rationnelle doivent être une priorité des pouvoirs publics. Avec le manque de pluviosité qui ne persiste ces dernières années en Algérie, les autorités locales à Bouira et à Tizi Ouzou, dont dépend administrativement le parc national du Djurdjura, sont interpellées à plus d'un titre de mettre en place une politique de préservation des sources d'eau afin de garantir l'équilibre environnemental dan cette région protégée par des lois internationales. Les populations qui habitent aujourd'hui le versant sud du Djurdjura peuvent être alimentées en eau potable à partir du barrage Tilesdit. Dans la mesure où cette option s'avère impossible, les responsables du PND estiment que la réalisation des forages en aval du parc pourrait bien être utile à la fois pour alimenter ces villages et préserver les ressources en eau de la montagne. «Le parc national du Djurdjura, souligne M. Meribai, répond pleinement au critère d'instauration de mécanisme de préservation dans le cadre d'une aire protégée dans la région de la méditerranée». «Ces composantes sont représentées essentiellement par des espèces de la faune et de la flore, mais aussi par l'ensemble paysager auquel appartient tout ce panel d'espèces qu'on appelle communément l'écosystème», poursuit-il.