Il a fallu attendre presque une semaine après la vacherie de Manuel Valls contre le président Bouteflika pour que des voix, autorisées ou pas, commencent à s'élever pour dénoncer l'innommable. L'image a pourtant terriblement choqué les Algériens. Le tweet assassin du Premier ministre français est un indécent abus d'hospitalité. Il faut, pour une fois, mettre des noms sur des maux. Oui, c'est tellement évident, le coup de Manuel Valls est bien prémédité. Et qu'on ne vienne pas nous dire que cela relève de la com'. Le Premier ministre français avait le visage crispé lors de la conférence de presse avec Abdelmalek Sellal. Son sourire forcé avait du mal à cacher une volonté de cogner pour montrer patte blanche à l'establishment parisien qui n'a pas apprécié sa réaction face au refus du visa algérien aux journalistes du Monde et de Canal+. Mais pour sauver la face, Valls a commis une vacherie indigne de son rang. Il s'est comporté comme un petit gamin «corrigé» qui cherche à faire sensation par un geste ou une parole blessante, osée. Son tweet, qu'il a accompagné d'une image du président Bouteflika mal en point, est sidérant de mauvaise foi. C'est une méchanceté gratuite d'un homme explosif qui avait visiblement à cœur de laver l'affront d'une visite mal engagée (affaire des visas) et mal achevée puisque la moisson en contrats était cette fois bien maigre… Faut-il pour autant jeter la pierre à Valls, au Monde ou au Petit Journal ? Ce serait faire preuve d'irresponsabilité que d'ignorer notre façon à nous de traiter avec les responsables français. Ne faut-il pas poser la question autrement, à savoir pourquoi le Premier ministre français s'est permis un tel écart de conduite, une telle inélégance et désinvolture face à un chef d'Etat qui lui a fait l'honneur de le recevoir même s'il n'était pas au mieux de sa forme ? Ce tweet, coup de poignard de Valls, aussi blessant soit-il, doit nous secouer en tant qu'Etat. Il doit nous servir de (mauvais) exemple pour apprendre à nous faire respecter. La vacherie de Valls… Recevoir un maire d'une province française ou une simple violoniste, fut-elle Mme Valls, avec les honneurs dus à un haut responsable n'est en l'occurrence peut-être pas une bonne idée. Nous devons prendre de la hauteur sans avoir la grosse tête. Parce que, en France surtout, la «nostalgérie» est si prégnante dans la vie politique. Vu de Paris, un Algérien, un Marocain ou un Tunisien est au mieux un obligé, au pire un indigène. C'est comme ça et ce n'est pas demain la veille que ça changera, aussi longtemps qu'on n'aura pas décidé de placer ces «lignes rouges» dont tout le monde parle sans jamais apercevoir la couleur. Il est alors plus juste de reconnaître que le mal est en nous. Il est presque pathétique d'entendre Amar Ghoul tonner que l'atteinte aux institutions est une «ligne rouge» une semaine après la forfaiture de Manuel Valls. Waouh ! Ces propos faussement courageux, enrobés dans un communiqué qui sent la langue de bois, ont dû provoquer une réunion de crise à l'Elysée ! Où était-il depuis ce temps-là ? Tout comme la soudaine poussée d'adrénaline de l'UGTA qui dénonce des relents «colonialistes» sans jamais désigner clairement sa cible. Ces retards à l'allumage de la classe politique et des instituions sont insupportables. La bombe Valls a pourtant explosé au soir même de son départ d'Alger, histoire d'illuminer un tant soit peu son retour bredouille à Paris. Les Algériens légitimement choqués, qui reçurent cette image comme une gifle, ont noyé leur chagrin dans les réseaux sociaux faute d'entendre un officiel remonter les bretelles au Premier ministre français. A la décharge d'Ahmed Ouyahia, on notera qu'il a tout de même sauvé la face – quoiqu'en retard – en pointant une «exploitation éhontée d'une image du président Bouteflika», par «ces colonialistes revanchards». Ouyahia a même ressorti utilement l'image montrant le gros dormeur Laurent Fabius qui, «en parfaite santé», tombant dans les bras de Morphée ici même à Alger. Tout compte fait, à quelque chose malheur est bon, et nos responsables doivent intérioriser l'idée qu'il est grand temps de développer des rapports d'égal à égal avec la France. Des rapports d'adultes qui ne doivent pas s'encombrer de formules passionnantes et passionnelles. Avec l'épisode Valls, on est édifié désormais qu'il n'y a plus de place à une relation d'exception. On veut juste que la France respecte les règles. Toutes les règles