Le refus de visa aux journalistes français aura été, de toute évidence, une décision contre-productive pour ses auteurs. Comme il fallait s'y attendre, la visite "sous haute tension" du Premier ministre français, Manuel Valls, en Algérie a donné lieu à toutes sortes d'interventions sur les médias français. Ainsi, l'affaire du refus de visa aux journalistes du Monde et du Petit Journal de Canal+ par les autorités algériennes aura été commenté en long, en large et même en travers. Une décision qui, de toute évidence, aura été très contre-productive pour ses auteurs. Jugeons-en ! L'émission politique "Ça vous regarde", consacrée aux relations franco-algériennes sur la chaîne parlementaire française LCP, s'est d'emblée intéressée aux images du président Bouteflika qui, selon l'animateur de l'émission, Ahmed Tazir, "se passent de tout commentaire et qui mettent mal à l'aise". L'apparition du chef de l'Etat "très diminué et hagard, le regard perdu, quasi spectral" n'a pas échappé, pour ainsi dire, à l'ensemble des invités comme l'ancien Premier ministre, Sid-Ahmed Ghozali, Yves Bonnet, ancien directeur de la DST, Hocine Malti, ancien vice-président de la Sonatrach, ou encore Nicolas Beau, journaliste-écrivain et fondateur du site Mondafrique. Cette image inspire ainsi à SAG "comme à tous les Algériens, d'abord un sentiment de compassion : elle incarne surtout combien est grande la difficulté de l'Algérie à rentrer dans l'Etat de droit", une "tare institutionnelle" qui perdure, selon lui, depuis l'indépendance. Pour Nicolas Beau, "le plus grave est que Bouteflika ne parle plus ! Il n'a plus les moyens physiques et intellectuels pour répondre aux situations d'urgence qui s'imposent à l'Algérie. Le pouvoir autiste est en apnée !" S'agissant de la couverture de l'affaire des Panama Papers par les journaux de l'Hexagone et objet de récriminations algériennes, le journaliste français relève "l'appréhension" par tous les pouvoirs successifs en Algérie face à la presse étrangère. Ce qui est, d'après lui, "très dommageable et très négatif pour l'image du pays". "C'est finalement se tirer une balle dans le pied !" Une affirmation que SAG fait sienne en fustigeant pour sa part les thuriféraires du chef de l'état algérien, pris à défaut : "Ceux qui parlent d'atteinte au prestige et à l'honneur de l'Algérie devraient plutôt reconnaître que le Président n'est pas le président et qu'il n'a jamais été élu par son peuple. Manifestement, il n'a pas les moyens de gouverner. Et on nous dit pourtant qu'il gouverne !" Commentant la Une controversée du journal Le Monde, Nicolas Beau a estimé, non sans ironie, que le quotidien français aurait dû illustrer son article par la photo du président François Hollande tant Abdeslam Bouchouareb, ministre de l'Industrie et des Mines, impliqué dans le scandale des Panama Papers est considéré comme "l'homme des Français en Algérie" et propriétaire, note-t-il, d'un bien immobilier cossu au bord de la Seine. Sur Canal+, Le Petit Journal, l'émission de Yann Barthès, n'a pas raté l'occasion de se dilater la rate avec la santé du président Bouteflika. En disséquant les images "brutes" de l'ENTV "sans les ciseaux des censeurs", il sera démontré, une fois encore, que le chef de l'Etat algérien est vraiment très mal en point. Et ce n'est pas tout ! La mimique du Premier ministre algérien, Sellal, lors de la déclaration des journalistes français exprimant leur désaccord face au refus des visas n'est pas passé inaperçue. Loin s'en faut ! Un ralenti accompagné d'une flèche rouge s'est longuement attardé sur la moue que faisait notre Premier ministre, accusé par les journalistes français de vouloir "sanctionner les médias". Par ailleurs, en écho à France Inter, la chronique de Guillaume Erner sur France Culture a fait de l'état de santé de Bouteflika un sujet d'actualité de politique française : "Quoi de mieux qu'un président fantoche pour assurer l'immobilisme !" s'exclame-t-il en direction, notamment, de "tout ceux qui pestent (en France) contre les ravages de la communication, Bouteflika incarne une alternative, puisque cela fait des lustres que personne n'a entendu le son de sa voix. Mais ce modèle de président, et ce président modèle, est aussi une manière d'en finir avec cette volonté permanente de réforme. Un chef de l'Etat embaumé : quelle meilleure façon de régler le prurit du changement ?" M.-C. L.