C'est sur l'autel de la supposée croissance économique que les pratiques bancaires les plus fondamentales ont été sacrifiées. Pour passer son argent sale à la lessiveuse, rien de plus facile ! Les barons de la drogue et la criminalité en tout genre ou encore ceux issus du commerce informel n'ont plus qu'à se présenter devant le guichet d'une banque ou d'une agence postale pour convertir leurs liasses d'argent, contenues dans des sacs de jute bien ficelés, en titres d'emprunt fraîchement imprimés. Les souscripteurs à l'emprunt ne sont donc tenus de présenter aucun justificatif. Cette confirmation vient de la part du PDG du Crédit populaire d'Algérie (CPA), Omar Boudieb, qui a assuré hier à Alger à l'occasion d'une cérémonie de la souscription de la Cash (filiale de Sonatrach) à l'emprunt que «cette contrainte a été levée». Ainsi, les banques, les agences postales, les succursales de la Banque d'Algérie et le Trésor n'ont plus le droit de demander à un souscripteur à l'emprunt de justifier la provenance de l'argent qu'il vient déposer. Mieux encore, pour un meilleur déroulement de l'opération et par souci de ne pas trop encombrer les gros déposants avec une rame de titres, les banques ont pensé à imprimer à partir de la semaine prochaine un titre d'un million de dinars. Pourtant, à l'occasion du lancement de l'opération de l'emprunt national de la croissance économique (ENCE, communément appelé emprunt obligataire), le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, qui était interrogé sur le risque que certains placements pourraient découler des fonds de la contrebande et du crime organisé, avait répondu devant la presse que les banques étaient bien outillées et disposaient chacune de moyens de vérifier la provenance des capitaux. «Les banques disposent de tamis pour filtrer l'argent», avait-il rassuré dans un discours imagé. Avec cette nouvelle mesure, la machine de blanchiment d'argent et l'appareil de l'amnistie fiscale sont bien huilés et peuvent désormais commencer à tourner à plein régime. Sous prétexte d'éviter le recours à l'endettement extérieur et de peur que les projets structurants soient mis à l'arrêt à cause du rétrécissement des ressources de financement suite à la chute des prix du pétrole, l'Etat a lancé mi-avril l'emprunt national de la croissance économique. Ainsi, toute personne intéressée (particuliers, entreprises publiques ou privées) est invitée à «investir son épargne disponible dans le développement de l'économie nationale», avait expliqué le premier argentier du pays. Pour inciter les personnes à souscrire à cet emprunt, Benkhalfa a voulu donner des garanties comme quoi l'objectif de cet emprunt était de financer les projets économiques des investissements publics et qu'il ne s'agissait nullement de financer les dépenses de l'Etat. Ces titres sont présentés en deux formats de 50 000 dinars chacun et que les souscripteurs peuvent acquérir autant qu'ils veulent d'une manière nominative. Les deux sont des titres à un taux fixe, l'un à un 5% pour une échéance de 3 ans alors que le second est d'un taux de 5,75% pour une période de 5 ans. Avec ces taux, les rémunérations seront de l'ordre de 2500 dinars/an pour le premier et de 2857 dinars pour le second. Après l'échec de la «conformité fiscale volontaire», l'Etat vient lancer l'emprunt obligataire et accorde six mois aux banques pour faire rentrer dans les caisses les dizaines de milliards de dinars qui sont hors circuit. La chasse est ouverte et tous les coups sont permis.