La 19e tripartite qui s'est tenue hier sous la présidence du Premier ministre a rompu avec le discours triomphaliste et l'optimisme excessif d'autrefois. Cette fois-ci, le gouvernement est venu rencontrer les partenaires sociaux dans un autre esprit, empreint plutôt d'un certain réalisme quant à l'urgence de trouver des solutions pour l'après-pétrole. Tout en réitérant le principe de solidarité et de soutien aux franges sociales défavorisées, le gouvernement s'est dit prêt à passer à l'acte et à répondre aux préoccupations des différents intervenants. L'intervention inaugurale de Abdelmalek Sellal lors des travaux de la réunion de la tripartite est à ce titre illustrative de l'inquiétude du gouvernement qui n'a plus de «temps à gaspiller». «Time is money» (le temps c'est de l'argent) a bien dit Sellal en demandant aux participants d'aller droit au but dans leurs interventions. En effet, les pouvoirs publics sont demandeurs de solutions consensuelles à la grave crise financière du pays. «Je le dis sans démagogie, la situation est dure et les contraintes sont réelles avec des lendemains incertains, mais économiquement, l'Algérie résiste bien», a estimé le Premier ministre. Malgré la reprise des cours du brut depuis le mois de mars, oscillant entre 40 et 50 dollars le baril, l'Exécutif ne veut plus compter sur cette manne pour le financement des projets de développement. La création de la richesse à l'aide de l'outil national est devenue un leitmotiv. Pour cela, l'Exécutif est prêt à concéder des avantages et assouplir les lois considérées comme contraignantes. C'est dans cet esprit d'ailleurs que la participation à la 19e tripartite a été élargie pour impliquer toutes les composantes de la société dans cette nouvelle orientation économique. Outre la présence des principaux ministres en charge des secteurs économiques et des collectivités locales (finances, industrie, travail, agriculture, commerce et intérieur), cette réunion a vu la participation des walis, des organisations patronales, des syndicats (UGTA, UGCAA, Snapap…), des experts et des représentants d'associations de la société civile. Les patrons des grandes compagnies publiques et d'institutions économiques (banques centrales et primaires, Douanes, Impôts, CNR, Cnas, Casnos…) ont pris part également à cette rencontre. La bureaucratie, le mal du pays Le Premier ministre n'a pas été tendre avec les tenants de «l'immobilisme» et «les bureaucrates», en les considérant carrément comme des «diables» qui ne veulent pas de bien à la nation. «Nous devons tous nous impliquer et travailler pour la transformation de notre économie. Il nous faut donc aller chercher la croissance ailleurs, c'est-à-dire dans la sphère économique réelle, là où l'entreprise publique et privée est la clé de voûte», a-t-il plaidé, avant de présenter les grandes lignes du nouveau modèle de croissance économique. Ce modèle basé sur une approche consensuelle jusqu'en 2019 et des perspectives à l'horizon 2030 tend à réformer la fiscalité et limiter les dépenses publiques. Le modèle en question doit permettre, selon Sellal, l'émergence d'une base productive et industrielle compétitive. L'Etat ne renonce pas à la justice sociale, a tenu à appuyer le Premier ministre. Cependant, la réforme de la retraite est devenue inéluctable, à ses yeux, afin de maintenir un système de solidarité «juste» et «équitable». Des indiscrétions ont évoqué à ce sujet une révision de l'âge de départ à la retraire qui ne sera plus permis à 60 ans, mais à 62 ans pour l'année 2017 et à 65 ans pour les années à venir. Les équilibres financiers de la Caisse nationale de retraite sont en jeu, a-t-on expliqué. L'autre point qui a focalisé les débats d'hier est celui du foncier industriel et agricole. Sur ce plan, Sellal est formel : «On ne doit pas dilapider les terres agricoles». Les organisations patronales ne l'entendent pas de cette oreille. Elles exigent des zones industrielles intégrées et dotées de toutes les infrastructures nécessaires au développement des activités. Des revendications qui seront prises en charge, selon le Premier ministre, invitant les walis à être réactifs. Quant aux entreprises liées aux commandes publiques, le Premier ministre promet d'accélérer les délais de paiement des prestations et s'engage à ne pas suspendre les projets porteurs et créateurs d'emploi. En somme, le gouvernement veut mobiliser l'ensemble des acteurs dans cette nouvelle démarche économique.