Peut-on vraiment parler de crise majeure en Iran ? Les fissures provoquées dans l'unité du pouvoir religieux par les partisans de Moussavi, qualifié de réformateur, constituent pour les analystes un indicateur important sur l'évolution de la société iranienne, d'autant que ce bloc, minoré dans les complexes structures politiques et les institutions de l'Etat a réussi à développer une formidable toile constituée de réseaux et d'associations, notamment chez les intellectuels et de larges franges de la classe moyenne. Mais pour beaucoup de ces analystes, la crise supposée entre ultraconservateurs et réformistes modernistes ne changera pas d'un iota la doctrine diplomatique iranienne, notamment dans ses traditionnelles zones d'influence, en Irak, en Afghanistan, en Syrie ou au Liban. Contrairement à ce qu'on croit médiatiquement, les stratèges occidentaux estiment que l'émergence d'un pouvoir modéré en Iran menacerait durablement les intérêts occidentaux dans la région et chamboulerait certaines certitudes qui ont toujours servi, depuis 1979, des régimes à asseoir leurs autocraties et à justifier la présence militaire étrangère sur leurs territoires. Car, aussi paradoxal qu'on puisse le croire, le discours d'Ahmaninejad sert directement les alibis des Etats belliqueux comme Israel, donnant par un effet " d'asymétrie idéologique "tous les prétextes de bâtir des politiques agressives " préventives ", de formater les opinions sociales et publiques et surtout de permettre de créer et de développer dans ces Etats un autre extrémisme de droite et de radicaliser pratiquement toutes parcelles de pensée libre dans les sphères politiques et intellectuelles. Israel sait mieux que tout autre Etat, que l'épouvantail de la supposée menace nucléaire iranienne est une bonne carte électorale et politique pour maintenir un radicalisme " démocratique " dans les négociations de paix au Proche Orient et dans ses approches guerrières avec les palestiniens. C'est exactement l'exemple du Hamas palestinien, ou le Hizbollah libanais( accusés comme des instruments de la politique extérieure de Téheran) qui justifie chez Tel Aviv son comportement et son refus du dialogue, voire même son renoncement aux accords de paix signés auparavant. En fait, au-delà des discours et des protocoles, théatralement joué par les laboratoires occidentaux, l'entretien manifeste des avatars de la " grande Peur " verte et de la menace nucléaire iranienne, la scène qui se joue actuellement à Téhéran, est un excellent ingrédient pour soutenir, en arrière fond et derrière les plateaux, le président qui sert au mieux les tendances lourdes de la stratégie occidentale, israélienne et certainement de certains régimes arabes de la région. Et ce président n'est sans doute pas le fameux Moussavi. Ce réalisme politique à l'américaine, connu pour son pragmatisme( n'oublions pas l'affaire de l'Irangate au plus fort moment de la rupture entre les mollahs et la Maison Blanche dans les années 80) va être encore une fois mis en branle pour avantager Ahmadinejad et lui permettre de prolonger pour quatre ans son mandat. Une période qui pourrait toujours créer un autre Netanyahu ou un jeune Lieberman. Autrement dit, favoriser un statu quo qui renforcerait la mainmise US dans les pays du Golfe, maintenir une atmosphère de tension permanente dans et autour de l'Etat d'Israël et fortifier "l'opinion " occidentale sur les menaces d'un régime clérical, radical et foncièrement anti-occidental. Alors, Ahmadinejad est il le véritable vainqueur des présidentielles iraniennes ?