Craignant l'épuisement à terme des réserves en devises, la Banque d'Algérie vient de prendre une nouvelle mesure qui vise les exportateurs afin de leur imposer de financer l'importation des matières premières par leurs recettes en devises. Cette nouvelle note a suscité une réaction des exportateurs qui voient en une telle décision «la mort certaine de leur activité», déjà faible. Le ministre des Finances est sollicité pour revoir cette mesure qui n'est en réalité qu'«une absence de bon sens», réagit Naceur-Eddine Kara, membre de l'association nationale des exportateurs algériens (Anexal). La Banque centrale impose aux opérateurs, à travers cette note, le règlement des achats de matières premières destinées à une production à exportation uniquement en devises. Actuellement, les entreprises exportatrices acquièrent leurs matières premières et leurs équipements en dinar convertible. En exportant leur production, elles perçoivent 50% du montant exporté en dinars et les 50% restant en devises. Un taux de 20% des devises de ces opérations d'exportation est versé dans le compte de la personne morale, et 30% dans le compte personne physique de l'opérateur. L'exportateur n'utilise pas ses revenus en devises dans l'importation des matières premières. Pour obliger les opérateurs à puiser dans leurs propres comptes, la Banque d'Algérie est invitée alors à les autoriser à percevoir leurs revenus totalement en devises et non en partie. A défaut, nombreuses seront les entreprises exportatrices qui mettront fin à leur activité, a-t-il averti, expliquant qu'elles ne peuvent détenir dans leurs comptes les sommes en devises pour importer la matière première. Naceur-Eddine Kara pense que «seules les grandes entreprises exportatrices peuvent se conformer à cette nouvelle mesure, pénalisante à plus d'un titre, surtout les primo-exportateurs». La dite note ne répond nullement aux attentes des exportateurs. Il était plus judicieux de la soumettre à la cellule d'écoute et de suivi des exportations, présidée par le ministre du Commerce. Dans cette nouvelle note, signée par le directeur général des changes, la Banque d'Algérie, autorise le règlement financier en couverture des importations de matières premières sous le régime de l'Admission Temporaire pour Perfectionnement Actif. Les exportateurs doivent se conformer à plusieurs conditions qui portent sur «la domiciliation du contrat d'importation qui doit s'effectuer auprès du même guichet domiciliataire du contrat d'exportation des produits après transformation et effectuer le règlement sur les avoirs en devises de l'opérateur logés sur son compte devises personne morale». La banque et l'opérateur économique doivent respecter également les dispositions de l'article 38 de la loi de finances 2016. Celui-ci stipule que «le dédouanement des marchandises importées dans le cadre de l'admission temporaire pour perfectionnement actif est soumis à une autorisation préalable de l'administration des douanes. Les entreprises qui effectuent des opérations de perfectionnement actif régulières bénéficient d'une autorisation globale couvrant ses opérations. L'autorisation globale, précise le délai nécessaire pour la régularisation de chaque opération d'importation de marchandises, destinée à être placée sous ce régime. Elle peut porter sur plusieurs marchandises destinées à la production d'un même produit compensateur». Les opérateurs qui exportent ne peuvent pas forcément avoir les sommes en devises dans leur compte pour personne morale. Le ministère du Commerce réagit Suite à la nouvelle note de la Banque d'Algérie relative à la domiciliation des importations de matières premières dans le cadre de l'admission temporaire pour perfectionnement actif, le ministère du Commerce a décidé de réagir. Lors de la réunion de la cellule d'écoute et de suivi des opérations d'exportations, hier à Alger, le ministre a décidé d'envoyer une note à la Banque d'Algérie pour demander des explications. Selon une source proche du ministère, les entreprises exportatrices ont été surprises par une telle mesure et ont exprimé leurs inquiétudes à ce sujet. Les opérateurs ont, en effet, relevé que cette note va «à contre-courant de la nouvelle orientation du gouvernement qui vise à encourager les exportations hors hydrocarbures». La Banque d'Algérie, fera remarquer la même source, est censée «apporter des solutions aux contraintes soulevées par les exportateurs». Le nouveau modèle économique, basé notamment sur les exportations hors hydrocarbures, n'a pas été accompagné jusque-là par les réformes indispensables sur le plan de l'arsenal juridique et dans le domaine bancaire. «Nous sommes dans une situation de blocage», déplore la même source.