Le gouvernement ne recourra pas cette année à une loi de finances complémentaire. Cette décision marque un changement radical dans la politique budgétaire de l'Etat. Depuis l'année 2000, l'Exécutif avait toujours eu recours à cette loi «exceptionnelle» pour réviser les dépenses publiques ou introduire de nouvelles mesures. Cette fois, la situation financière très inquiétante du pays a fini par bousculer cette pratique et dicter une nouvelle conduite dans la gestion des finances publiques. Hadj Baba Ammi a été en effet catégorique mardi lors de son passage au Conseil de la nation à l'occasion de l'examen du projet de loi portant règlement budgétaire de 2013. «Il n'y aura pas de loi de finances complémentaire (LFC) cette année. Nous avons la loi de finances 2017 qui sera soumise dans les délais légaux. Pas de LFC 2016», a-t-il indiqué dans une déclaration à la presse en marge des travaux du Sénat. Il ajoutera : «la loi de finances 2017 développera une vision sur le moyen terme et nous y adapterons le niveau des dépenses en fonction des ressources dont nous disposerons. Nous ne procéderons pas à un changement brusque du niveau des dépenses des années précédentes, nous amorcerons graduellement la maîtrise des dépenses et leur adaptation à nos ressources financières». Pour les experts avertis, il est clair que les propos du ministre des Finances sonnent comme un véritable bouleversement. Ce qui était considéré comme prévisible, selon eux, pour diverses raisons. D'abord, il y a, selon l'expert des questions financières, Lyès Kerrar, la chute des recettes pétrolières du pays enregistrée depuis durant l'année 2015. Une baisse de près de la moitié par rapport à l'année 2015. L'année 2016 risque aussi de connaître le même sort avec des revenus ne dépassant pas les 30 milliards de dollars, ce qui ne permet pas au gouvernement d'envisager de nouvelles dépenses. Le déficit attendu pour 2016 sera énorme, du fait du maintien de plusieurs projets structurants. Un déficit qui sera financé par le fonds de régulation des recettes (FRR), mais dont les disponibilités devront s'épuiser à la fin de l'année. L'Exécutif s'inscrit désormais, selon cet expert, dans l'esprit d'une nouvelle politique de gestion, d'où cette annonce de ne pas recourir à une loi de finances complémentaire. Et la précision du ministre des Finances d'adapter le niveau des dépenses en fonction des ressources dans la prochaine loi de finances 2017 illustre, selon Lyès Kerrar, la détermination de rompre avec le système de soutien à la croissance à travers la dépense publique. L'Etat tente aussi de préserver, estime-t-il, les équilibres financiers et d'éviter un déficit budgétaire l'an prochain. Il s'agit aussi, explique-t-il, de protéger le matelas de réserves de change qui a fondu depuis la chute des prix du pétrole, passant de près de 200 milliards de dollars en 2014 à environ 130 milliards aujourd'hui. Pas de bugdet d'équipement Autrement dit, le gouvernement compte diminuer de façon drastique les budgets d'équipement et le financement des projets structurants (routes, infrastructures, hôpitaux et logements). A ce sujet, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Bedoui, était on ne peut plus clair. Il avait averti les walis lors d'une récente réunion que l'Etat ne pourra plus verser de contributions financières pour les projets locaux, signifiant que seuls les salaires des cadres et agents seront assurés. Les responsables des autorités locales ont été invités à chercher de nouvelles sources de financement et de ne plus compter sur les dotations de l'administration centrale. Ces déclarations des membres du gouvernement augurent d'une mutation dans la politique budgétaire, basée jusque-là sur la distribution de la rente. Le ministre des Finances n'a pas écarté dans sa dernière sortie médiatique l'adoption de nouvelles mesures pour améliorer le recouvrement fiscal qui seront introduites dans la prochaine loi de finances. Il sera question de nouvelles taxes et d'un contrôle plus rigoureux des activités des entreprises et des commerçants.Hadj Baba Ammi a évoqué aussi la modernisation de l'ensemble des structures du secteur des Finances (administration des impôts, du budget et de la comptabilité). L'objectif est de revoir le système fiscal en vigueur afin de renflouer les caisses de l'Etat.