Il aura tout préparé, tout ficelé pour faire de son royaume le guest-star du 27e sommet de l'Union africaine (UA) qui se tient à Kigali, au Rwanda. Une formidable opération de lobbying tous azimuts, des prises en charge dans ses palais, ses palaces et ses «riyads» au profit de certains dirigeants africains. Et au bout, un long discours en l'honneur de l'organisation panafricaine que lui et son père qualifiaient pourtant de simple «machin», incolore, inodore et insonore. Les temps ont changé, notre ami le roi aussi. Trente-huit ans après, le makhzen se rend compte qu'il a gaffé en claquant la porte de l'ex-OUA, actuelle UA. Et ce réveil en sursaut a donné des ailes et beaucoup de poésie à un monarque si habitué à réduire les dirigeants africains, notamment ceux de l'Ouest, à de simples sujets d'outre… terre. Qu'il est beau, en effet, le discours de M6 à la gloire de l'Afrique… ! On se surprend presque à croire qu'il parlait plutôt de l'Union… européenne tant la nostalgie le disputait au dithyrambe. C'est hélas raté pour cette fois. Son royaume a essuyé un double échec, puisque sa demande d'admission au sein de l'UA ne sera examinée qu'au mois de janvier, à l'occasion du prochain sommet. A Kigali, on a estimé que les candidatures préposées pour remplacer la Sud-Africaine Nkozazana Dlamini-Zuma, à la tête de la Commission de l'union, n'avaient pas suffisamment de poids pour le poste. Le roi du Maroc comptait pourtant s'appuyer sur l'élection de l'un de ses trois «représentants» pour soutenir sa demande d'admission. Il s'agit de la ministre des Affaires étrangères du Botswana, Pelonomi Venson-Moitoi, l'ancienne vice-présidente ougandaise, Speciosa Wandira Kazibwe, ou le ministre des Affaires étrangères de la Guinée équatoriale, Agapito Mba Mokuy. Il va lui falloir patienter jusqu'à janvier pour espérer faire «placer» l'un de ces trois concurrents, et bien sûr, obtenir officiellement son billet d'entrée à l'organisation panafricaine. Il va donc y avoir de la déception à Rabat, après tant d'activisme et de lobbysme. Faut-il souligner cette motion signée par 28 Etats, tous acquis à sa majesté, réclamant la suspension de la Rasd de l'Union africaine. Ali Bongo, l'un des sujets africains du roi a été chargé de lire cette motion qui saluait, notamment, le discours du roi et le retour annoncé du Maroc au sein de l'UA. Dans la liste des 28 pays signataires, on retrouve presque au grand complet la galaxie de la «Françafrique», acquise au royaume et à Paris. Du Gabon au Sénégal, en passant par la Côte d'Ivoire, la Guinée et le Burkina Faso, tous les pays de la sphère francophone ont apposé leur paraphe, mis à part le Cameroun de Paul Biya. Le roi a brassé très large en attirant même certains pays pas acquis à sa cause jusque-là, à l'image de la Libye, de la Somalie, ou encore du Soudan et du Ghana. Mais même au sommet du mois de janvier, il ne sera pas aisé de faire sortir la Rasd de l'Union africaine, dont les statuts fondateurs ne mentionnent nulle part cette possibilité d'expulser un membre. Les représentants du roi seront contraints de droit à cohabiter avec ceux de la Rasd aussi longtemps que l'Acte constitutif de l'UA n'est pas modifié. Celui-ci précise dans son article 32 que les amendements ou révisions sont adoptés par la Conférence de l'union par consensus ou, à défaut, à la majorité des deux tiers, et soumis à la ratification de tous les Etats membres, conformément à leurs procédures constitutionnelles respectives. Mohammed VI et ses alliés devront donc aller chasser loin des terres de la Françafrique pour espérer mettre le Polisario dehors. La bataille s'annonce rude d'ici au prochain sommet de l'Union africaine entre partisans et adversaires de la République sahraouie. Le Maroc ne se fera pas prier pour remuer ciel et terre afin de remettre pied à l'UA et convaincre le Nigeria, l'Afrique du Sud, le Niger, la Namibie, l'Angola, le Kenya et le Mozambique, entre autres, à désavouer la Rasd. Mais le roi doit savoir qu'on ne peut pas acheter tout le monde. Il y a dans cette Afrique une sagesse légendaire qui ne s'accommode pas de petits arrangements entre amis.